GPU : avec Arctic Sound, Intel veut sa part du gâteau

Pendant des années, Intel a intégré ses propres puces graphiques dans ses processeurs. En 2020, il sortira deux GPU discrets (externes), Arctic et Jupiter Sound. En s’appuyant sur les talents d’anciens d’AMD, le fondeur ambitionne d’être la force motrice de la révolution des données. Et de challenger NVIDIA et AMD avec ses propres cartes graphiques ?

Le 12 juin dernier, un mystérieux message du compte officiel Intel News indique sur Twitter : « Le premier GPU discret d’Intel sera disponible en 2020 ». Avec cette petite phrase, le fondeur signale son retour sur le marché des cartes graphiques. Et le géant de Santa Clara a enfoncé le clou à l’occasion du SIGGRAPH 2018 (événement américain dédié à l’infographie et à la programmation graphique). Jusqu’à présent, Intel s’était associé avec son rival AMD pour développer des modules personnalisés combinant ses puces Core avec les Vega d’AMD.

Cette annonce signifie aussi de nouvelles tentatives. En 1998, il avait sorti la carte graphique Intel i740 mais ce fut un échec commercial (faibles performances) et elle avait été retirée du marché en août 1999. Intel avait fait une seconde tentative avec cette fois un GPU discret nommé Larrabee (un CPU-GPU hybride programmé en x86). Nouvel échec !

Il y a eu ensuite les GPU intégrés, les iGPU. De 2011 à 2015, chaque génération s’est nettement améliorée par rapport à la précédente sans toutefois inquiéter NVIDIA et AMD.

Cette fois, Intel pense avoir mis toutes les chances de son côté en embauchant des pointures d’AMD ! En 2017, il a notamment récupéré l’ancien concepteur de puces graphiques d’AMD Radeon (qui avait aussi travaillé chez ATI) : Raja Koduri. « C’est l’un des visionnaires les plus expérimentés, innovants et respectés en matière de graphisme et d’architecture système dans l’industrie », n’avait pas hésité à déclarer Murthy Renduchintala, directeur technique d’Intel.

Avec Raja Koduri (qui est maintenant l’architecte en chef d’Intel et le vice-président senior du nouveau Core and Visual Computing Group), le géant américain va développer ses propres solutions graphiques.

Réservés initialement aux datacenters, les GPU d’Intel devraient également être t destinés au jeu vidéo.

Baptisées Arctic Sound et Jupiter Sound, ces GPU étaient à l’origine destinés à passer leur vie dans des datacenters pour faire des calculs haute performance (minage de cryptomonnaie, data mining) et gérer le streaming vidéo. Mais l’arrivée du gourou d’AMD a modifié ce programme. Intel veut s’attaquer au marché des jeux vidéo.

Les unités centrales dotées d’Arctic Sound n’arriveront probablement pas avant 2020, peut-être plus tard, suivies de Jupiter Sound. Selon Intel, Arctic Sound se connecterait au processeur d’Intel par l’intermédiaire d’un pont d’interconnexion (EMIB- (Embedded Multi-Die Interconnect Bridge). Cela indique qu’Intel dispose d’un Multi-Chip Module (MCM) comme il utilise maintenant pour coupler ses processeurs Core avec les graphiques Vega. Cela signifie aussi que le partenariat d’Intel avec AMD ne sera pas éternel…

Mais pourquoi Intel s’intéresse-t-il tant aux GPU ?

Lorsque NVIDIA a inventé l’architecture de traitement parallèle CUDA (Compute Unified Device Architecture) il y a près de dix ans, personne n’était sûr de leur intérêt. Utiliser une carte graphique pour exécuter des tâches spécifiques semblait improbable.

Aujourd’hui, les GPU dominent dans de nombreux domaines, depuis les applications traditionnelles comme la 3D et le rendu vidéo, jusqu’à l’apprentissage machine, l’intelligence artificielle….

Intel a revu sa stratégie en se focalisant sur le cloud et les datacenters. Disposer de son propre GPU représente un atout. Mais cela lui permet aussi de renforcer sa position sur le marché des ordinateurs domestiques et du jeu vidéo.

Malgré les talents indéniables de Raja Koduri (25 ans d’expérience) et des anciens d’AMD, on peut se demander si le planning d’Intel n’est pas trop optimiste. 2020, c’est presque demain en termes de développement et d’industrialisation.

Cette évolution vers le jeu vidéo fait probablement partie d’une stratégie à long terme plus large visant à diversifier l’offre d’Intel.

Selon des experts, les chaines de fabrication d’Intel ne sont pas vraiment orientées vers la production de masse de GPU de jeu. Mais le fondeur multiplie les investissements dans la recherche et le développement. D’ailleurs, il a publié de nombreuses offres d’emploi axées sur le graphisme.

Enfin, comme ses concurrents, Intel devra aussi publier régulièrement des mises à jour de pilotes en fonction des nouveautés majeures de Windows et des jeux récents. Il y a donc du pain sur la planche mais l’arrivée d’une nouvelle voie pour les consommateurs en matière de cartes graphiques, surtout portée par un tel poids lourd qui maîtrise les arcanes du CPU, devrait être une bonne nouvelle.