Raymon Lazer : « L’informatique a démocratisé la création musicale »

Certains Nantais (mais pas seulement) le connaissent depuis près de 20 ans maintenant. Il œuvrait alors sur la radio PRUN et les scènes nationales sous le nom de Phonky G. D’autres le connaissent depuis peu sous le nom de Raymon Lazer, que ce soit via ses productions ou les spectacles offerts avec Samifati et le Bagad de Lorient pour le Red Bull Boom Bus (et aussi pour notre vidéo sur le montage de nos PC !). Rencontre avec un artiste qui a commencé avec l’analogique avant de vivre l’évolution de la MAO (musique assistée par ordinateur) de l’intérieur.

Raymon LAzer au festival interceltique de Lorient

Q : De la Drum’n’Bass de vos débuts au Festival interceltique de Lorient, votre style (et vos noms) ont beaucoup évolué. Savez-vous ce qui a guidé cela et quel regard portez-vous dessus ?

RL : Il faut de l’évolution. C’est triste si on répète la même formule pendant 20 ans ! Il faut se remettre en cause, sortir de sa zone de confort. Et puis les goûts évoluent également. J’aime beaucoup de choses dans la musique et avant de jouer, j’écoutais déjà de la funk, de l’électro ou du Rap. J’ai commencé à faire des sets de jungle et de Drum’n’Bass avec mes platines car c’était un courant innovant. Car la musique, c’est aussi une question de moment. C’était l’âge d’Or à cette époque avec de superbes basses. Mais j’ai toujours kiffé le Jazz. Avec la funk, c’est la base de tout. Et j’aime varier même si c’est dur à faire passer parfois. Mais je ne cherche pas à être à la mode.

Q : En parallèle, il y a eu une sacrée évolution technique et vous êtes passé des vinyles au VJing (mix audio et visuel) pour proposer aujourd’hui quelque chose qui mixe ces différentes approches. Comment l’avez-vous vécu ?

RL : Il y a le mix et la production, c’est différent. A l’époque du mix vinyle, les grands producteurs étaient déjà équipés mais le matériel était trop cher. C’est grâce à l’informatique que tout s’est démocratisé. Et Internet a ouvert encore plus les portes. Moi, je suis passé en 2000 sur un ordinateur vraiment performant et avec des logiciels comme Ableton. J’ai improvisé. Puis j’ai mis des images dans les mix car je voulais raconter des choses. Mais je reste fan du vinyle, surtout sur les Classiques. Et le numérique n’offre pas la même sensation au niveau du son. Dommage, tout ne sort pas en disque. Si tu en veux, il faut aller au magasin spécialisé alors que pour le numérique, tu vas au supermarché ! Mais c’est créatif.

Q : Mais la plus grosse évolution dans la MAO n’est-elle pas la démocratisation de l’accès au Web ?

RL : C’est indissociable du PC, avec ce couple, tu peux produire comme un pro. Certes, il manquera le mastering et la finalisation comme en studio mais bon… Pour ceux qui savent bidouiller, il y a des applications gratuites, du matériel pas cher, les samples sont faciles à trouver, tu peux échanger… Mais il y a des côtés négatifs, on est plus saturés et les gens écoutent et regardent moins longtemps. L’offre est tellement abondante. Dans les années 90, il y avait plus d’attention sur les nouveautés. Maintenant, il faut savoir faire du marketing.

Q : Et Internet a aussi amené un débat sur les droits d’auteur…

RL : Non, cela a toujours été. Quand quelqu’un samplait James Brown dans les années 80, si le titre marchait, on le retrouvait ! En même temps, si tu fais de l’argent avec un sample, il faut partager. J’aime le partage. C’est ce que je faisais avec d’autres artistes sur SoundCloud, sans pub ni rien. Mais les possibles évolutions avec l’arrivée des majors me font peur.

raymon lazer à cognac

Q : Revenons sur le VJing, c’est dépassé ?

RL : Il y a déjà eu beaucoup de choses de faites de cette façon sur le Jazz or c’est mon domaine. Si je refaisais du mix vidéo, ce serait uniquement en live. J’ai gardé ma table de mixage Rane qui est niquel pour ça. Sauf que j’ai racheté un Mac et que le nouvel OS ne prend pas en charge ! Du coup, j’ai acheté une Traktor de Native Instruments.

Q : Justement, vous préconiseriez quoi en termes de matériel ? Un Mac comme vous ?

RL : Je l’ai pris pour la scène car je trouve cela plus stable. Mais le dernier modèle que j’ai m’a déçu, surtout vu le prix. Reste qu’un PC souffre de fiabilité de par mon expérience. Par contre, pour faire de la MAO à la maison, c’est très bien. D’autant qu’il y a plus de choix dans les applications gratuites.

Q : Et pour ceux qui veulent se lancer ?

RL : J’apprécie Synthesia, un logiciel qui fait jouer les morceaux en MIDI. Les notes défilent, comme sur Guitar Hero, donc on apprend à jouer les « vraies » notes. Si tu as un score de 100% tu peux éteindre le logiciel et commencer à jouer le morceau tout seul !! Le programme a une version gratuite et la version toutes options est à 30 euros, tu ajoutes un clavier MIDI à partir de 30 euros et hop, c’est parti.

Pour la production, nous vivons une époque formidable car on peut maintenant faire un album avec juste un PC à 500 euros. Je conseillerais le logiciel Ableton car il est « pour moi » le plus simple à faire tourner. Pour apprendre, Google est ton ami et des milliers de tuto permettent d’apprendre à le maitriser !

RedBull_BoomBus-InterceltiqueLorient

Q : Nous proposons sur notre site des platines vinyles de plus en plus originales. Qu’en pensez-vous ?

RL : Difficile de juger mais déjà, la musique sur vinyle, c’est un plaisir. C’est un bel objet, à l’ancienne, il y a un rituel… Je comprends que cela revienne sur le devant de la scène. Les platines d’aujourd’hui doivent valoir le coup avec les évolutions technologiques. C’est bien qu’il y ait plein de modèles à différents prix. Attention par contre, c’est aussi la qualité du disque qui compte. Empiler les morceaux sur chaque face, ce n’est pas toujours top. Même pour l’écoute. Poser un morceau sur du plastique, ce n’est pas comme cloner un CD !

Q : Nantes a une belle place dans le paysage High-Tech mais aussi arts « numériques ». Vous en profitez ?

RL : J’en profite oui. Et vu l’éco-système nantais, lorsque l’on va dans d’autres endroits, on nous dit « Ah, t’es de Nantes ! », comme ce fut le cas récemment en Allemagne. C’est une marque. Il y a des grandes formations et dans tous les styles. Et il y a aussi des musiciens de niche que l’on ne connaît pas mais qui marchent à l’international ! Comme il y a beaucoup de monde, il faut être original et on trouve chez chacun des spécificités. Et maintenant les gens commencent à travailler ensemble, c’est bien.

Q : En parlant de gens qui travaillent ensemble, pouvez-vous nous raconter comment s’est monté le concept « Raymon Lazer et Samifati VS le Bagad de Lorient » ?

RL : Je travaillais déjà un peu avec le Red Bull Boom Bus sur des Live Jazz avec Charlotte Méas et Max Bedouelle notamment. Cela se passait bien. Ils nous ont demandé de faire autre chose de créatif en mélangeant les genres et notamment avec de la musique celtique ou bretonne. Je connaissais Samifati qui nous a donc rejoints. Nous devions du coup faire le Festival de Lorient avec des musiciens et les organisateurs nous ont proposé de travailler avec le Bagad de Lorient. Dubitatifs – ils soufflent quand même dans le ventre d’un mouton !!! -, nous avons tenté. DJ Zebra avait fait de l’électro interprété de manière « celtique ». Nous avons fait l’inverse en travaillant les morceaux du Bagad de manière électro. Il y a eu un clip et un live. Cela a bien marché. Alors nous avons fait un acte II avec un clip et un live. Cela a très très bien marché. Donc nous faisons une nouvelle date cette année (14 août au festival interceltique de Lorient et d’autres dates à suivre) !

Q : Quid d’un album ?

RL : Nous allons déjà proposer 4-5 titres enregistrés en studio qui seront distribués gratuitement. Je ne pense pas que nous ferons 12 titres. Il ne faut pas que cela devienne un business model, on l’a développé, il faut le terminer. Même si nous nous réservons le droit de recommencer !!

 

Retrouvez l’historique du Red Bull Boom Bus & le Bagad de Lorient
Acte I

Acte II

Acte final