Avec HTC, Google s’assure une expertise et des brevets

HTC, en difficulté, a cédé une partie des actifs et de son personnel à Google fin septembre. Le savoir-faire de l’industriel taïwanais devrait être mis à profit pour favoriser le développement de smartphones Android haut de gamme, comme l’a prouvée la conférence donnée par le géant de Mountain View le 4 octobre où il présentait ses solutions domotique et ses smartphones Pixel.

Ils étaient « pacsés » et ils ont fini par se marier. Google (ou plutôt Alphabet, la maison-mère) a acquis fin septembre une partie des actifs du fabricant taïwanais HTC, pour un montant de 1,1 milliard de dollars (soit environ 920 millions d’euros). Selon les termes de la transaction, dont la validation attendra début 2018, quelque 2000 personnes employées par HTC rejoindront les effectifs de Google. Le géant californien s’approprie dans le même temps des brevets de HTC et leurs licences. Et il n’a pas tardé à les mettre en œuvre : lors de la conférence organisée le 4 septembre, Google a présenté ses deux smartphones Pixel 2 XL et Pixel 2 (qui ne seront pas disponible sen France). Ce dernier est fabriqué par HTC (le XL par LG) et tous deux embarquent Squeeze, système de lancement rapide d’applications par pression sur les bords mis au point par… HTC.

Cette métaphore du concubinage reflète la relation privilégiée entre l’inventeur d’Android et l’industriel-fabricant de smartphones. En 2008 déjà, HTC avait produit le premier smartphone Android, connu sous le nom de G1 aux Etats-Unis puis de Dream à sa sortie en France au printemps 2009. C’est aussi HTC qui a fait office d’OEM (Original Equipement Manufacturer) pour le Nexus One en 2010, le premier smartphone Android portant la griffe de Google. Ce partenariat se poursuit aujourd’hui : HTC est le prestataire « hardware » qui s’est occupé des Google Pixel et Pixel 2.

L’histoire de HTC est marquée par de nombreux jalons, qui ont été des moteurs dans la progression d’Android.

Cette coopération n’a jamais été exclusive. Avant la naissance d’Android, HTC a contribué au développement en 2005 de Windows Mobile (devenu Windows Phone ensuite) et a soutenu le système d’exploitation mobile de Microsoft jusqu’à la fin de celui-ci. Le savoir-faire est important, donc, mais il n’a pas suffi à endiguer la montée en puissance de Samsung et la pression concurrentielle des fabricants chinois (Honor, Xiaomi, Huawei).

A l’orée des années 2010, HTC était un fabricant réputé et inventif, avec plusieurs succès critiques et commerciaux à son actif, dont la gamme HTC One. En 2017, il est moribond tant sa part de marché mondial, autour de 1%, s’est atrophiée. Si la marque HTC en téléphonie devrait survivre, son avenir est incertain.

Améliorer l’intégration d’Android

Google, on le voit, n’envisage pas de renverser une hiérarchie établie en s’accaparant un pourcentage de ventes aussi marginal. La domination d’Android est d’ores et déjà écrasante : près de 9 smartphones sur 10 vendus dans le monde sont pilotés par le petit robot vert, Apple s’adjugeant le reste. Même BlackBerry se tourne, en partie, vers Android depuis 2016. Google a surtout pour objectif de s’emparer d’une véritable expertise en matière d’ingénierie, afin d’améliorer l’intégration matérielle et logicielle à la racine de ses futurs produits.

C’est un point fort d’Apple, qui maîtrise tous les aspects de la production de l’iPhone. A contrario, cela a toujours été un point faible de Google, dont la stratégie agressive – licence Android gratuite – s’est construite au prix d’une énorme fragmentation : les spécifications techniques et les versions d’Android ne sont pas du tout homogènes d’un smartphone à l’autre, et les services Android ne trouvent pas toujours de terminal à leur mesure.

S’imposer sur le segment haut de gamme

Avec l’appui des équipes de HTC et la collaboration de LG, Google a l’intention de développer des smartphones haut de gamme et de s’imposer sur le segment Premium, le plus lucratif. Là où Apple règne en maître… Ce n’est pourtant pas la première fois que Google fait un pas en direction du « hardware ». Mais l’expérience Motorola – acheté 12,5 milliards de dollars en 2012 puis revendu 2,9 milliards de dollars à Lenovo en 2014 – a tourné court.

Cette fois, le personnel de HTC devrait travailler en interne et de manière plus étroite avec les autres employés de Google, ce qui facilitera l’organisation et la conduite des opérations. Qui plus est, ces recrues ont un bagage et sont au contact des réseaux de distribution et de la sous-traitance industrielle, des qualités recherchées par Google. Ces compétences et ces carnets d’adresses, du même coup, n’iront pas renforcer la concurrence.

Selon Mozilla, les licences d’exploitation des brevets représentent près du tiers du prix d’un smartphone.

Il en va de même pour des brevets de HTC, sur lesquels Google fait donc main basse. Tous n’ont pas été transférés, puisque l’industriel taïwanais conserve la propriété intellectuelle du casque de réalité virtuelle Vive, notamment. Pour le reste, la nature de ces brevets demeure confidentielle. Google, à cette occasion, étoffe son portefeuille, déjà garni entre autres de la grande majorité des brevets de Motorola, conservés lors de la revente à Lenovo. Car les brevets, ça rapporte : Mozilla, adepte des licences libres, avait calculé l’an dernier que ces brevets représentaient 30% du prix d’un smartphone à 400 dollars… et c’est le consommateur au final qui les paye.

Cette question demeure hautement sensible. Il y a quelques années, Apple, Samsung, Google et HTC avaient livré bataille devant les tribunaux, s’accusant les uns les autres de violation de brevets et dépensant des millions de dollars en procédure. Les propriétés intellectuelles, protectrices et rémunératrices, ont aussi le pouvoir de contrecarrer les projets rivaux.