Comment le jeu vidéo japonais s’est réinventé !

Parlons d’un temps que les moins de 20 ans n’ont pas connu (mais qu’ils ont pu depuis connaitre) … Le japon ce temps-là, brillait de mille éclats, pleins de jeux à transmettre… Et puis la bohème. L’archipel s’est recroquevillé sur lui-même, les jeux occidentaux ont pris le dessus. Mais récemment, tel Godzilla sorti de l’océan, le pays fait un retour fracassant.

Dans les années 80, Sega et Nintendo se rendent coup pour coup alors que nous découvrons émerveillés le jeu sur console. Zelda, Mario, Mega Man, Street of Rage, Castlevania, Phantasy Star, Shinobi… Notre Amiga (ou notre Atari, c’est selon) nous ouvrait à un monde vidéoludique plus proche de ce que nous connaissons actuellement, mais nous gardions toujours un œil sur le Japon et les jeux sur téléviseur.

Les années 90 furent encore florissantes pour l’archipel, mais une machine prenait de plus en plus de place dans nos vies : le PC. Les Doom, Heretic, Syndicate, Dungeon Keeper, Fallout, Magic Carpet, Quake, Warcraft, Baldur’s Gate (etc.) éclipsaient déjà les hits venus du pacifique.

Ce ressenti sur l’émergence du jeu occidental et l’éclipse qu’elle provoquait sur un japon cloisonné dans ses genres de prédilection, nous l’avons eu dans la rédaction entre joueurs farouchement accrochés à la souris et au clavier. Elle est symptomatique d’un mutation en cours. Puis le nouveau siècle commence, et là… c’est le drame.

Le jeu japonais vit aussi à travers les consoles portables. Il rayonne encore sur Switch et mobile. Il initie les plus jeunes et entretient notre inclination pour les productions nippones.

Le règne des blockbusters

Sur PC comme sur console, de grosses licences émergent ou se consolident dans les années 2000. Citons au hasard Mass Effect, Elders Scroll, Call of Duty, Assassin’s Creed, Diablo, Gear Of Wars, Halo, Bioshock, Dead Space… Ces titres grands spectacles franchissent le cap de la haute définition et dévoilent le visage d’une industrie telle que nous la connaissons actuellement. Faite de budget pharaonique, de campagnes marketing agressives, de plans commerciaux velus… Une grosse partie de la production devient à l’image du cinéma : il faut voir grand et au-delà des frontières.

Plus que jamais, et même si nous nous opposons farouchement à ce terme, une partie de la production nippone passe pour des « japoniaiseries » alors que l’Europe et les États-Unis s’enorgueillissent d’œuvres de plus en plus matures. C’est une vision étriquée, mais elle partagée par beaucoup de joueurs.

De plus, les architectures des PlayStation 3 et Xbox 360 s’approchent de nos configurations PC, une ambition d’ailleurs affichée dès la première console de Microsoft. Un avantage pour nos contrées tant nos développeurs maitrisent ces technologies. En somme, le Japon s’accoutume mal des nouvelles règles commerciales, marketing et peine au développement. Les Mario, Zelda, Metal Gear Solid, Metroïd et quelques autres, toujours aussi remarquables, ne suffisent pas à redonner suffisamment de vigueur à une industrie en train de flétrir.

Mario, Zelda et consorts brillaient encore en ce début de siècle, mais il est facile de passer à côté tant les grosses licences européennes prennent de plus en plus de place dans le cœur des joueurs.

Enfin un nouvel élan

L’industrie nippone flétrit, mais ne fane pas. En réalité, elle se porte même plutôt bien du côté vente de consoles avec le succès de la PlayStation 3 et une Wii qui s’arrache comme des petits pains (nous l’avons surtout aimé pour Mad World, mais notre rédaction compte pas mal de barjots !).

Il est temps pour le Japon de regarder ce qui se passe à l’extérieur, imaginer un marché global, se nourrir des nouveaux codes du jeu vidéo, s’imprégner des techniques de développement et de marketing occidentaux en essayant de garder une identité forte. Presque 10 ans sont nécessaires pour élaborer cette alchimie.

Un premier signe de cette ouverture fut le rachat d’Eidos par SquareEnix, mais les productions qui en sortent, aussi bonnes soient elles (Tomb Raider, Hitman, Deus Ex) n’incarnent pas la créativité japonaise. En revanche, la sortie de jeux japonais sur Steam fait tourner la machine à cash et nourrit notre appétence pour ces types de productions. Surtout qu’ils sont pour la plupart remastérisés, localisés ou mieux traduits. Le pays ouvre ses chakras et entend ce que l’on espérait de lui. Beaucoup de titres nous viennent à l’esprit, mais contentons-nous d’évoquer ces petites larmes qui ont coulé aux annonces des Final Fantasy, de Bayonetta et de Vanquish. Et dans le même temps, l’archipel prépare son grand retour

Quelques figures emblématiques telles que Fumito Ueda, Suda 51 ou Hideo Kojima incarnent une créativité et une audace que l’on ne retrouve dans aucun autre pays.

Dans la seconde partie de la décennie 2010, il faut toute la force et la puissance créatrice d’un Fumito Ueda pour oser sortir une œuvre aussi singulière que The Last Guardian. À moins que ce courage soit dû à un temps de développement bien trop long !

Les autres productions montrent davantage que le Japon s’est nourri des titres occidentaux et en maitrise désormais les outils. Zelda Breath of the Wild est certainement le plus emblématique et contribue largement au succès à venir de la Switch. NieR : Automata (ça se sent que nous sommes fans de PlatinumGames ?) et Resident Evil 7 illustrent un Japon capable de refaire de très grands jeux dans le fond comme dans la forme. Le RE Engine impressionne, Resident Evil 2 est une merveille, tout comme le dernier Devil May Cry. Les jeux FromSoftware et particulièrement Sekiro : Shadow Die Twice synthétisent la renaissance actuelle du jeu vidéo japonais. Une sortie multi plateforme très soignée sur PC, une identité forte, un gameplay maîtrisé, un succès international sans perdre de vue ce qui fait l’âme d’un jeu japonais. Ça ne sera plus jamais le pays dominant que nous avons connu, mais c’est de nouveau une nation créatrice et inspirante.