IA, je t’aime moi non plus

L’Intelligence artificielle a fait la une des médias depuis la victoire du super ordinateur Deep Blue sur Gary Kasparov aux échecs en 1997 et celle d’Alpha Go sur le grand maître Lee Seedol au jeu de Go en 2016. Mais l’intérêt de l’IA ne se limite pas à ces victoires (qui reposent principalement sur la modélisation de toutes les possibilités de jeu et des statistiques…). Elle fait dorénavant partie de notre vie de tous les jours. Pour le meilleur et le… pire.

©Mike MacKenzie/creative commons

On parle régulièrement de l’intelligence artificielle. Mais il y a encore beaucoup de préjugés et de malentendus. Première idée reçue : l’IA est une solution « tout en un » prête à l’emploi. Beaucoup d’entreprises font encore l’erreur de croire qu’il suffit de « commander » un produit IA pour profiter d’une solution miracle.

Or, justement, l’IA n’est pas un produit. « Il n’y a pas de logiciels d’intelligence artificielle, mais des solutions logicielles et matérielles qui exploitent des briques d’intelligence artificielle variées qui s’appuient sur plusieurs dizaines de briques logicielles différentes (captation des sens, interprétation des informations, traitement du langage… », rappelle à juste titre Olivier Ezratty, expert en nouvelles technologies.

L’IA est aussi au cœur de nombreux débats, souvent passionnés, sur ses bénéfices, mais aussi ses dérives. Matblog tente de faire le point en toute objectivité.

L’un de ses principaux avantages est d’améliorer la connaissance de la data. Les volumes de données ne cessent d’augmenter tous les jours. Impossible pour les entreprises de les analyser précisément et en temps réel (pour améliorer leur réactivité) sans recourir à l’IA.

IA et pandémie

« L’intelligence artificielle offre des techniques d’analyse et de raisonnement nécessaires pour extraire du sens, résoudre des problèmes complexes, et permettre des prises de
décisions à partir de données et de connaissances, tandis que la science des données fournit les connaissances nécessaires à l’IA pour continuer à apprendre et à évoluer », explique Juliette Mattioli, AI senior expert de chez Thales dans le Livre blanc « IA et technologies quantiques » de France Innovations.

D’où la nécessité de l’appuyer sur l’IA pour tenter de tirer profit du Big data. En un mot, sans IA, l’énorme volume de données récupéré par les entreprises ne sert à rien ou presque.

L’IA se nourrit de data. Dans le cadre du COVID-19, récolter cette dernière est encore plus fondamental.

Mais c’est surtout dans le domaine de la santé que l’IA présente des avantages majeurs. Elle est actuellement utilisée pour mieux comprendre le covid-19. Différents projets de recherche (BenevolentAI, une société de recherche en médicaments basée à Londres ainsi que DeepMind, la branche IA de la société mère de Google, Alphabet) utilisent l’IA pour identifier des médicaments développés pour lutter contre d’autres maladies, mais qui pourraient maintenant être réutilisés dans le cadre de la lutte contre ce coronavirus.

Mais bien avant cette pandémie, l’IA a été mise à profit pour la détection des cancers notamment. « Aujourd’hui, avec quelques dizaines de millions d’images du cancer du sein, on peut diagnostiquer quelque chose très en amont avec un taux de réussite de 99,9%. Un radiologue qui va voir quelques milliers de radios du sein au cours de sa carrière ne peut pas diagnostiquer avec un tel taux de réussite, à un stade aussi précoce », explique Luc Julia, vice-président de l’innovation chez Samsung.

L’intelligence artificielle permet aussi d’assurer des tâches répétitives (sans réelles valeurs ajoutées) et chronophages effectuées par des salariés. Les machines pensent plus vite que les humains et peuvent exécuter diverses fonctions en même temps.

L’intuitivité d’un expert

C’est le principe de la Robotic Process Automation (RPA). Il s’agit des outils logiciels qui automatisent partiellement ou entièrement les activités humaines. Dans le secteur bancaire, des tâches telles que l’ouverture de comptes ou le traitement des demandes de prêts hypothécaires peuvent être automatisées.

Dans le secteur de l’assurance, la RPA peut s’avérer utile pour automatiser les demandes d’indemnisation en cas de maladie ou d’accidents corporels ou encore l’intégration de nouveaux demandeurs ou agents.

Mais l’IA présente aussi des limites, voire des dérives. Partant du postulat que nous faisons de nombreuses erreurs, des experts affirment qu’il est indispensable de s’appuyer sur l’IA pour prendre les bonnes décisions. La réalité est plus complexe. Et l’intuitivité d’un expert ayant une très forte expérience dans son domaine n’est pas encore prête à être remplacée par une machine.

L’IA est de plus en plus utilisée par les entreprises pour renforcer leur sécurité informatique. Mais elle n’est pas parfaite. Il peut y avoir des erreurs dans trois domaines : le programme, les données et les personnes qui conçoivent ces systèmes d’IA. ©Noshad Ahmed/Pixabay

C’est le cas notamment dans la cybersécurité. Des éditeurs de logiciels de sécurité ont ajouté une couche d’IA pour affirmer qu’ils sont encore plus efficaces et indispensables. Et la multiplication des cyberattaques complique la tâche des équipes de sécurité qui ne peuvent assurent correctement leurs missions. Certes, l’IA permet d’améliorer la détection de comportements ou de connexions suspects.

Mais, « c’est plus complexe d’avoir la trace d’une cyberattaque que l’image d’un chat », rappelle le directeur de l’innovation chez Wallix, Henri Binstock.

Mauvaises données : erreurs de diagnostic

La qualité des données a une importance capitale. « Si les données utilisées sont biaisées, l’intelligence artificielle ne comprendra qu’une vision partielle du monde et prendra des décisions basées sur cette compréhension étroite », explique Aarti Borkar, vice-président d’IBM Security.

Cette qualité des données concerne tous les domaines et les conséquences peuvent être dramatiques.
Revenons au diagnostic précis d’une maladie. Il dépend de diverses données recueillies auprès de millions de personnes qui ont connu des symptômes et des conditions similaires.

Pour obtenir une comparaison appropriée, une base de données sur l’IA doit contenir suffisamment d’informations sur les patients. Par conséquent, si les informations sur une personne d’un certain milieu sont insuffisantes, l’IA peut fournir un diagnostic inexact. Résultat, les médecins pourraient donner un traitement erroné s’ils ne sont pas suffisamment expérimentés pour identifier l’erreur…

L’IA peut aussi favoriser des dérives comme un ciblage marketing excessif. Certes, les entreprises ont besoin de mieux connaitre leurs clients et prospects pour leur proposer des produits et services répondant à leurs attentes.

Par ailleurs, les techniques de simulation et de modélisation de l’IA fournissent un aperçu fiable du comportement des consommateurs. Grâce à la collecte de données en temps réel, à l’analyse des tendances et des prévisions (météorologiques en ce moment par exemple), une solution d’IA peut aider les entreprises à prendre des décisions marketing plus pertinentes.

Mais une connaissance excessive peut empiéter sur la vie privée. « L’IA transforme la société et cela peut avoir des conséquences prédatrices. Ainsi, les technologies prédictives qui aident à prendre des décisions peuvent être instrumentalisées. Aux États-Unis, des compagnies d’assurance se sont basées sur le code postal pour déterminer le risque d’accident ! C’est stupide », constate Jean-Gabriel Ganascia, professeur à l’Université Pierre et Marie Curie et responsable de l’équipe ACASA (Agents Cognitifs et Apprentissage Symbolique Automatique) du LIP6.