Predator Esport Lab : un cocon pour les esportifs

Ouvert depuis juillet dernier, le Predator Esport Lab accueille les équipes esport professionnelles en phase de préparation avant les compétitions. Tout est fait pour améliorer les performances et renforcer la cohésion des joueurs.

Au Predator Esport Lab, situé à Bobigny (Seine-Saint-Denis) et inauguré le 4 juillet dernier, on joue aux jeux vidéo. Mais on n’est pas là pour rigoler. Accroché au mur et rédigé en anglais, le planning annonce la couleur. De 9 heures du matin jusqu’à minuit et plus, les longues sessions d’entraînement et les revues stratégiques s’enchaînent, entrecoupées de quelques heures de temps libre. La recherche de la performance implique des sacrifices.

Ce rythme intensif n’émeut guère Yohann, alias Froragix, un membre de l’équipe Gentside qui occupe les locaux toute la semaine : « On doit travailler la théorie, la pratique et le mental. Dès qu’on se professionnalise, les journées deviennent chargées. » Avec ses équipiers, il récite ses gammes sur Fortnite et se prépare pour la LAN de Metz, qui débute trois jours plus tard (*).

Le bootcamp en voie de démocratisation

Ce jeune homme d’à peine 25 ans ferait presque figure de vétéran : âgé de 14 ans, il accompagnait déjà l’équipe VeryGames sur des parties de Counter Strike:Source. Pourtant, il ne participe qu’à son deuxième bootcamp, expression d’origine américaine qui signifie camp d’entraînement. « Cette pratique est très récente en France et commence à se démocratiser, confie-t-il. C’est super car nous sommes tous réunis et nous pouvons assister ensemble aux debriefings. Ce n’est pas chacun chez soi. Ici, en plus, les conditions sont optimales : on pense juste à jouer. »

C’est l’idée qui a guidé la conception du Predator Esport Lab, un centre d’entraînement entièrement consacré au esport et élaboré conjointement par le fabricant Acer et Hadrien Noci, une figure du milieu connue sous le pseudonyme de Thud. « Les équipes professionnelles éprouvaient le besoin de se regrouper, avant les grandes compétitions, afin de parfaire leurs stratégies et leurs automatismes, explique Karim Ouahioune, directeur marketing et communication d’Acer France. Dans cette salle, elles ont accès à du bon matos et à une bonne connexion. Un hôtel se dresse à quelques pas pour l’hébergement. La cantine est sur place et un chef étoilé à la retraite cuisine une nourriture saine. L’objectif ? Que les joueurs restent dans leur cocon et se focalisent sur leur job. »

Le centre contient en tout douze PC, raccordés à des écrans de 24 pouces. L’éclairage est personnalisable aux couleurs de l’équipe.

Dans ce bâtiment partagé avec d’autres entreprises, on découvre également une vaste terrasse et une salle de sport au premier étage. Les joueurs ont ainsi l’occasion de maintenir leur condition physique – et de déstresser éventuellement – en soulevant des haltères ou en effectuant quelques tractions. C’est à l’étage au-dessus que l’esport reprend ses droits. Deux espaces symétriques se font face sur un plateau de 170 mètres carrés, chacun disposant de six postes. Au cas où deux équipes rivales seraient sur place en même temps, une cloison amovible et opaque a été prévue en guise de séparation. On le devine : tout le matériel PC est griffé Predator, la marque gaming d’Acer.

Les unités centrales embarquent des Core i7 – Intel a aussi participé au projet – et des cartes graphiques GTX1080, ce qui répond amplement aux exigences des jeux les plus en vue dans les compétitions. Les écrans sont dotés d’une diagonale de 24 pouces, la norme dans les LAN, et d’une fréquence de rafraîchissement de 180 Hz au minimum. La liaison Internet est assurée par une ligne fibre dédiée de SFR Pro, dont le débit symétrique grimpe à 600 Mbits/s. Un confort apprécié par les joueurs qui streament pour entretenir les liens avec leurs communautés, en dehors des entraînements.

Tout le matériel porte la griffe Predator, la marque gaming d’Acer. Les joueurs peuvent toutefois utiliser leur propre clavier et souris. Question d’habitude, ou de contrat d’exclusivité.

Quant aux claviers et souris, Acer se montre tolérant : les joueurs ont la permission de brancher les leurs. Car ils ont des habitudes, peut-être des superstitions. Ou, plus prosaïquement, ils sont tenus d’honorer les contrats d’exclusivité qu’ils signent avec d’autres marques gaming.

Chaque espace est gratifié en supplément d’un coin canapé. Mais il n’est pas question de piquer un roupillon. Grâce au vidéoprojecteur en surplomb, relié à son PC portable, le coach supervise les parties en cours puis les débriefe sur grand écran, une fois entouré de son équipe. L’occasion de peaufiner les stratégies collectives et d’analyser celles du prochain adversaire.

A l’aide d’un vidéoprojecteur, le coach a la possibilité de suivre les parties en cours sur grand écran et de les analyser avec l’ensemble de son équipe.

Disponible à la location, le Predator Esport Lab ne désemplit pas, selon Karim Ouahioune : « Le calendrier des LAN devient conséquent. Il n’y a plus de creux, même l’été, et les salles réservées à l’esport sont recherchées. » Quel est le montant de l’investissement pour Acer, dont l’engagement court sur deux ans, au minimum ? Evasif, Karim Ouahioune admet que la somme « dépasse les 50 000 € ». Le fabricant taïwanais, qui sponsorise divers évènements esportifs, franchit assurément un palier pour soigner son image et ses produits : « On se trouve au milieu des joueurs, l’idéal pour recueillir leurs impressions. »

Les structures esportives se multiplient

Si quelques « gaming houses » existent déjà en France, il s’agit de la première installation du genre soutenue par un « gros » industriel PC, selon Acer. De nature différente, d’autres structures fleurissent, illustrant l’engouement autour de la discipline. La Paris Gaming School s’est montée il y a un an, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), et forme aux métiers – coach, organisateur, etc. – en rapport avec l’esport. La ROG School d’Asus, dont Thud est également partenaire, a accueilli sa deuxième promotion au printemps dernier et se proposer d’aider les joueurs à embrasser une carrière pro.

L’Esport Academy, ouverte près de Nantes en 2016, a quant à elle tourné au fiasco et a rapidement fermé. Un signe que tous les protagonistes devront être vigilants dans un secteur d’activité qui grandit à toute vitesse : d’après une étude de MarketsandMarkets publiée en juin, le marché mondial de l’esport devrait progresser de 926 millions de dollars en 2018 à 2,174 milliards en 2023. Soit un taux de croissance annuel de 18,61%. De quoi motiver bien des vocations…

(*) reportage réalisé le 5 septembre, avant le tournoi ESWC à Metz où l’équipe Gentside a fini 2e de la compétition OMEN Trophy : Fortnite.