Quand le jeu vidéo fait ses gammes

De quelques bips aux grandes orchestrations, la musique des jeux vidéo a fait sa mue en moins de 20 ans et n’a rien à envier aux plus belles partitions du cinéma. Nous allons en explorer les contours et nous faire plaisir avec du flow et du gros son.

Comme nous l’avons vu dans cet article, le jeu vidéo est un art foisonnant impossible à détailler en quelques lignes. Il n’est donc pas question de refaire l’évolution de la musique de Pong à Red Dead Redemption 2, ou d’égrener les jeux de rythmes, mais de se remémorer quelques gammes à travers de grands compositeurs.

Comment ne pas commencer avec le maestro, Koji Kondo, à qui l’on doit les mélodies de Super Mario Bros et The Legend of Zelda. Sa musique 8 bits tirée d’un microprocesseur Ricoh est aujourd’hui largement reprise par la pop culture. Nobuo Uematsu, compositeur de Final Fantasy, est lui aussi une des grandes figures de l’industrie et se voit adapté aussi en bien en piano solo qu’en orchestration symphonique.

La génération 16/32 bits a donné plus de moyens aux compositeurs, notamment sur ordinateur. Les musiques aux sonorités électro se sont étoffées sur Atari ST et Amiga puis ont intéressé des artistes majeurs de l’époque comme Jean-Michel Jarre dont on retrouvait un morceau dans l’Arche du Capitaine Blood. Les consoles 16 bits n’étaient pas en reste et quelques OST (original soundtrack) sont encore aujourd’hui dans les mémoires, comme celle de Shadow of the Beast par David Whittaker.


La musique inoubliable de Secret of Mana a suffi à rendre célèbre Hiroki Kikuta. Le remake est malheureusement un piètre hommage au jeu.

L’arrivée du support CD a supprimé les restrictions matérielles et laissé toute la place aux compositeurs pour installer leur musique. Certains se sont contentés de flatter les oreilles sans se soucier de lier les notes à la jouabilité.

Si l’on se place du côté du joueur, il s’agissait d’un recul par rapport au travail de Koji Kondo, par exemple. Mais cela nous a offert des moments inoubliables ; on pense à David Bowie sur Nomad Soul, Hans Zimmer sur Call of Duty: Modern Warfare 2 ou Danny Elfman sur Fable. Certains auteurs issus de la scène démo Amiga ont ensuite mis leur talent au service de grandes licences, comme Jesper Kyd dans Assassin’s Creed. D’autres se sont vite rendus célèbres en habillant de grands jeux ; Marcin Przybylowicz sublime l’ambiance The Witcher 3, Woody Jackson apporte l’héritage d’Ennio Morricone dans Red Dead Redemption, ou Inon Zur a mis tout l’univers de Fallout au diapason.

La France brille sur la scène internationale. Le travail de Christophe Heral est un pur élément de gameplay de Rayman (Origins et Legends) et a formidablement habillé les péripéties de Beyond Good and Evil. Olivier Derivière s’est lui fait connaitre pour son excellent travail sur Remember Me, Vampyr et 11-11 : Memories Retold.


Les conservatoires ont désormais des cursus réservés aux jeux vidéo, les musiques sont jouées par de grandes orchestrations et font l’objet de concerts symphonique.

Back in da street

Le hip-hop représente à lui seul la façon dont la musique est exploitée dans les jeux.
Souvent associé au gangsta, on le retrouve sans surprise dans GTA et ses clones. Peu importe les interactions entre son et image, seuls comptent les clichés pour planter le décor. Les rappeurs biberonnés aux jeux vidéo ont pour certains prêté leur nom et construit des univers empreints de tous les poncifs associés au rap (ce qui ne veut pas dire que les jeux étaient mauvais !).
On pense notamment à Wu-Tang : Shaolin Style, 50 cent : Blood on the Sand, la série des Def Jam, issue du label du même nom. Là encore la musique reste une toile de fond plus qu’un élément de gameplay.

Pourtant, la culture urbaine avait été célébrée dès 1984 sur commodore 64 avec le jeu Back Street et deux de ses inoubliables représentants à savoir Jet Set Radio sur Dreamcast et PaRappa the Rapper liaient jeu et partition. Les développeurs naviguent ainsi constamment entre hommage et marketing. Même si l’on a un immense plaisir à écouter Snoop Dogg dans la bande originale de Need For Speed: Underground 2, ou Pharrell Williams et Jay-Z sur les NBA 2K, on espère des collaborations qui vous prennent aux tripes à l’image du Wu-Tang Clan et de Jim Jarmusch sur le film Ghost Dog. Et puisque l’on parle de tripes…


Hip-hop et jeux vidéo sont liés ; des grands noms signent des bandes originales, d’autres samplent des mélodies issues de jeux. Mais les bons sons ne font pas toujours les bonnes OST.

Chemisées métal

Très vite, des mélodies de jeux sont devenues comme les balles de fusil : full metal jacket.
L’un de ses plus grands représentants reste le Doom de 1993 dont l’OST « composée » par Bobby Prince est très largement inspirée des titres de Pantera (Mouth of War), Metallica (No Remorse), Slayer (Behind the Crooked Cross) etc.

Id Software s’est rattrapé en embauchant Trent Reznor, le charismatique leader de Nine Inch Nails pour Quake. Le métal bien velu ne s’est pas cantonné à des jeux violents, il s’est aussi incrusté dans des titres grand public comme le Jecht Theme de Final Fantasy X. Quelques musiques de boss sur l’ensemble de la saga ne sont pas sans évoquer les grands moments du rock et metal progressif (King Crimson ou bien plus tard Meshuggah).

Des titres se consacrent à ce genre, d’autres le citent sans cesse, ainsi Brütal Legend ou les sonorités indus de Combichrist pour DMC : Devil May Cry font « headbanger » les joueurs au risque de se prendre la manette dans le groin. Et cela ne date pas d’hier ; déjà Rock and Roll Racing créé par Silicon & Synapse, l’ancien nom de Blizzard Entertainment, envoyait les notes de Steppenwolf, Deep Purple et Black Sabbath sur la Super Nintendo et la Mega Drive. Le studio a d’ailleurs montré son attachement à cette musique avec Elite Tauren Chieftain, un groupe de métalleux composé d’employés de Blizzard et qui prend vie dans l’univers de World of Warcraft. Et lorsque Megadeth reprend le thème de Duke Nukem, on se dit décidément que les musiciens sont très joueurs !