Ce que cache la finesse de gravure

Dans les fiches techniques des processeurs, les fondeurs mettent en évidence une valeur exprimée en nanomètres (nm). Elle est souvent appelée finesse de gravure, est censée améliorer la consommation et baisser la chauffe de nos processeurs mais son appellation ne permet pas de deviner ce qui se cache derrière. En près de cinquante ans de micro-informatique, elle s’est transformée complètement, au niveau des performances et des technologies à la fois.

En novembre 2017, c’est à Washington D.C., que le futur des semi-conducteurs se décidera. Le temps d’une conférence de haut niveau, des chercheurs et des experts du monde entier se réuniront pour travailler sur la prochaine feuille de route commune à leur industrie, appelée International Roadmap for Devices and Systems (IRDS). Et celle-ci risque d’impacté nos futurs PC.

Le lien avec l’informatique tient en un mot clé : le transistor. En effet, ce composant électronique essentiel constitue la « matière première » des circuits intégrés, donc des (micro-)processeurs. Son importance est même beaucoup plus grande : la puissance de calcul d’un processeur est fonction du nombre de transistors. On est ainsi passé de 2 300 transistors pour un Intel 4004 en 1971 à 7,2 milliards pour un Intel Xeon E5 2699 V4 HLC en 2016.

Les transistors sont « gravés » sur un matériau semi-conducteur, généralement du silicium. Ces plaquettes de silicium, appelées « wafers » en anglais, sont découpés par les fondeurs en puces. C’est ce qui explique les enjeux technologiques et financiers de la miniaturisation des composants : elle permet non seulement d’augmenter le nombre de puces par plaquette de silicium fabriquée, donc de diminuer le coût des puces, mais aussi d’accroître le nombre de transistors, donc d’élever la puissance de calcul des puces. En outre, la miniaturisation donne la possibilité d’augmenter le nombre de cœurs des processeurs.

Les subtilités de la finesse

La miniaturisation se traduit par la fameuse « finesse de gravure ». C’est celle qui est régulièrement mise en avant par les fondeurs à la sortie d’une nouvelle génération de processeurs : gravés en 14nm, gravés en 10 nm… peut-on alors lire. Mais quant à comprendre ce que cela sous-entend, ce n’est pas simple.

De manière schématique, elle représente la finesse du dessin des circuits intégrés sur les plaquettes de silicium. On revient à la notion de miniaturisation : plus le tracé est fin, plus le nombre de composants par plaquette est grand.

Dans les années 90, la finesse de gravure correspondait à la taille de la plus petite partie d’un transistor sur un circuit intégré. En termes techniques, c’était le plus petit « demi-pitch » du métal de connexion de premier niveau (qui conduit les électrons à travers le circuit intégré) d’un micro-processeur ou d’une barrette de mémoire vive dynamique (DRAM).

C’est-à-dire la plus petite distance de l’espace (qui est en l’occurrence le pitch) entre deux fils adjacents interconnectés divisée par deux : la figure ci-dessous, dessinée par Bill Arnold, éminent spécialiste en technologie de « gravure », le montre de manière « simple ».

Le demi-pitch (« half-pitch » sur le dessin ci-dessus) et la largeur physique de la grille (« gate » sur le dessin) d’un transistor prenaient la même valeur, que l’on appelait tout simplement… finesse de gravure.

Cette mesure est exprimée en nanomètres (nm) et constituait un indicateur « simple et unique qui reflète les progrès de l’industrie des semi-conducteurs dans la miniaturisation des circuits intégrés », selon l’ITRS.

La mesure de la finesse

Peu à peu, cette façon de représenter la miniaturisation des composants est devenue obsolète. En effet, les microprocesseurs et les mémoires vives dynamiques ont emprunté des chemins différents. Pour un microprocesseur, la largeur physique de la grille est devenue inférieure au demi-pitch, tandis que ce dernier reste la plus petite mesure pour la mémoire.

La finesse de gravure n’est donc plus la taille du plus petit élément d’un composant du circuit intégré, ni même une mesure « physique » précise. C’est un label qui reflète un certain processus de fabrication.

En 2017, la technologie de gravure la plus avancée qui sera disponible sur le marché à grande échelle aura pour nom de code P54M36. Selon l’IRDS, il s’agit d’une « finesse de gravure » de 11/10 nm alors que les Ryzen et Kaby Lake actuels sont en 14 nm.

Cette mesure 11/10nm correspond à un demi-pitch « Fin » de 18 nm et à une largeur « Fin » de 6 nm des microprocesseurs.

Pourquoi introduire la mention « Fin » (aileron en anglais) ? Les choses ont encore changé : les transistors employés par les fondeurs sont désormais en 3D ! Ils sont du type « Fin Field Effect Transistor » (FinFET) et ce depuis 2012, année lors de laquelle Intel les a commercialisés pour la première fois avec sa gamme de microprocesseurs Ivy Bridge en technologie 22 nm. Une évolution qui permet de continuer la course à la miniaturisation des composants.

Si l’on comprend que la donnée « finesse de gravure » n’en est pas vraiment une, les travaux pour la réduire ont toujours le même impact sur nos PC : les rendre moins énergivores et moins sujets aux coups de chaud ! L’avenir de la cette course à la miniaturisation est pour autant incertain, la loi de Moore qui lui est relative atteignant ses limites : des limites physiques qui poussent les recherches vers la physique quantique mais aussi économiques car réduire la finesse de gravure sous les chiffres actuels sera plus onéreux en termes de R&D et de mise au point des processus de fabrication…

 

par Joseph Frontière