Oyez, oyez, braves gens : « les consoles vont mourir », « les influenceurs vont régner », « le jeu tel que nous le connaissons va disparaitre »… Chaque évolution dans le gaming vire à l’apocalypse sinon aux annonces bourrées de superlatifs, à l’image du service Stadia présenté cette semaine par Google. Et si c’était beaucoup de bruits pour rien ? En tout cas pour le moment, c’est bien le cas, même si la lame de fond semble bien lancée…
Google a présenté à la GDC son service de Cloud Gaming. La cérémonie fut parfois laborieuse, déroulée dans un entre-soi avec les développeurs. Quoi de plus normal puisqu’il s’agit de la Game Developers Conference, non de l’E3, et que le géant américain souhaitait avant tout présenter l’aspect technologique. Il analyse désormais les réactions et aiguise son marketing pour les prochaines annonces. Et si cette tâche incombe au même service qui a trouvé le nom Stevia… pardon Stadia… il y a encore du boulot !
Stadia, un nom… édulcoré
Ce n’est pas une surprise, nous avions déjà évoqué le Projets Stream : Google fera tourner des jeux depuis ses serveurs sur n’importe laquelle de vos machines pourvu que vous receviez le net avec suffisamment de débit.
Côté Datacenter, AMD s’empare du marché et assure avec ses GPU de l’UHD à 60 ips et peut-être un jour de la 8k à 120 ips (2025, 2030 ?). La puissance brute est de 10.7 téraflops, contre 6.0 pour la Xbox One X et 4.2 pour la PS4 Pro. En gros, ça envoie du bois, mais ne fait pas oublier que la richesse d’une machine de jeu tient surtout dans son catalogue.
Le seul périphérique présenté par Google est la manette, et pour cause, il n’y a besoin que de celle-ci (si vous n’en avez pas à domicile) et d’une carte bancaire pour accéder à Stadia. Le design et l’ergonomie sont assez proches de celle de la Xbox One, la meilleure du marché. Un bon choix. Jusque-là, rien de bouleversant et il manque à ce tableau quelques informations importantes. On pense évidemment au catalogue, mais aussi au prix. C’est en cela que nous affirmons qu’il s’agit peut-être de beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Tout peut encore s’effondrer comme un soufflet, un Google +, un Google Glass, Un YouTube Gaming (etc.). Le cloud ne serait pas enterré pour autant, mais il se ferait avec d’autres acteurs.
Nuage et perturbation
Le cloud gaming est une évolution logique. Nous y viendrons d’une façon ou d’une autre dans les mois (années ?) à venir. Amoureux des PC, nous ne désespérons pas de voir un jour arriver des applications Sony et Nintendo dans nos machines pour lancer leurs catalogues complets (et non une sélection) sans avoir à acheter leurs consoles. Téléchargement, streaming ? Peu importe le flacon du moment que la connexion nous permet l’ivresse !
De la même façon, nous serons ravis, de lancer des jeux avec une qualité proche d’un PC de haute volée sur une Chromecast ou, qui sait, une console dotée d’une appli. Microsoft et Nintendo montrent la voie en propulsant des jeux Xbox sur Switch.
N’oublions pas non plus que la 5G devrait donner à tous les utilisateurs le débit suffisant pour profiter du Xcloud, de Shadow, PS Now, Stadia, etc. Si les tarifs et les catalogues deviennent plus abordables, rien n’empêche de cumuler un abonnement ET une machine réservée aux jeux pour lesquels nous ne souhaitons aucune concession sur la fluidité et la qualité d’affichage. Google ne signe donc l’arrêt de mort de personne, va peut-être proposer une expérience complémentaire aux autres, et se tailler une part dans les 120 milliards de dollars que pèse cette industrie.
Les bons arguments de Stadia
Jouer sur le téléviseur puis balancer l’image sur le Smartphone avant de reprendre sur sa tablette ; l’effet est agréable à l’œil, mais la technologie n’est pas innovante. En revanche, l’idée d’intégrer Google Assistant pour balancer des vidéos soluces en cas de blocage nous a davantage séduit tout comme le bouton YouTube pour enregistrer sa partie sur le site de broadcasting.
Tout aussi surprenant, la synergie avec les streamers et les influenceurs. On pourra ainsi se lancer dans une partie depuis un lien partagé sur un réseau social ou affronter un YouTuber alors qu’il diffuse une vidéo en live. Ce n’est pas grisant pour tout le monde, on peut le comprendre, mais cette fois nous sommes dans de la nouveauté et de la valeur ajoutée.
Plus intéressant selon nous, le développement de jeux dédiés à cette plateforme et tirant le meilleur de son potentiel graphique et de ses capacités multijoueurs. Stadia a un potentiel de puissance gigantesque et affranchit les développeurs des limites des différentes consoles. Plus besoin de s’assurer que le jeu tourne sur PS4, Xbox One, PC, Switch, mais simplement qu’il évolue sur une machine qui a plus de puissance et d’évolutivité que ces consoles. Et le terme « évoluer » n’est pas choisi au hasard, un titre pourrait très bien revoir sa partie graphique au gré des progrès technologiques et se mettre à jour en un rien de temps. L’aspect multijoueur, l’intelligence artificielle disponible dans ce type de structure, les interactions avec YouTube ou le Web pourraient très bien amener des jouabilités difficilement imaginables à l’heure actuelle. Le potentiel est gigantesque !
Sous cet angle, en effet, Stadia peut filer une suée aux consoles et faire entrer le jeu vidéo dans une nouvelle ère, mais toutes ces promesses sur le sable seront balayées par la première vague si le tarif ne suit pas et que le débit internet reste une contrainte pour les usagers.
Pendant ce temps, dans l’ombre
Évidemment, on ne peut s’empêcher au français Shadow. Nous avons suivi le projet depuis son lancement, moment ou Emmanuel Freund, son dirigeant, expliquait qu’un PC gamer coute 2000€ et se montre obsolète au bout d’un an (pas les nôtres :p). On sentait déjà que, conscient du potentiel du cloud, le jeune homme avait tendance à s’emporter. À la suite de la conférence de Stadia, il s’est fendu d’un communiqué de presse où il affirme, en résumé et tout en nuance, que Shadow fait déjà tout cela en aussi bien et que l’on ne connait pas le catalogue, la date et le prix.
C’est oublier un peu vite que Microsoft, Sony et Google vont entrer dans la danse avec des serveurs puissants, une communauté, un catalogue et des services permettant une convergence entre leurs différents univers. Le French Frog veut toujours se faire aussi gros que l’Angus, mais à intérêt à revoir son offre et ajouter un peu d’humilité à son discours s’il ne veut pas exploser.
Google a donc lancé un pavé dans la mare, assommé une grenouille au passage, et oblige Microsoft, Sony et Nintendo à réagir. Tout comme Netflix a bouleversé le paysage audiovisuel, l’avenir se dessine à travers le cloud, mais les questions du quand et du comment restent en suspens. Une chose est sûre, cette année 2019 et notamment l’E3 seront riches en annonces.