Guillaume Rolland, Sensorwake : « Donnons aux jeunes les outils adaptés »

Itinéraire d’un enfant doué. Voilà comment pourrait être résumée la trajectoire fulgurante de Guillaume Rolland. Le Nantais de 19 ans, après s’être fait remarquer au CES et au Google Science Fair, commercialise son réveil olfactif Sensorwake que vous pouvez aussi retrouver dans notre magasin de Nantes. Une aventure technologique et humaine dont il nous dévoile une partie des coulisses.

Guillaume Rolland

Q : Etre un inventeur et créateur d’entreprise à 19 ans est plutôt rare. Comment en êtes-vous arrivé là ?

GR : J’ai toujours aimé bidouiller, inventer. Mon papa bricolait et j’ai fait ça tout petit. J’aime travailler avec mes mains et je montais, démontais mes cadeaux de Noël. En les cassant parfois ! Depuis le collège, c’est un hobby quotidien. Pour Sensorwake, cela s’est passé pendant 2 ans dans le garage. Je suis curieux et cela fait longtemps que je dépose des brevets techniques. Le premier, c’était à 13 ans avec une machine pour infuser le thé ! A l’INPI (Institut national pour la protection individuelle), ils n’en ont pas vu beaucoup de personnes de 13 ans. Mais avec le mouvement des makers et du Do-It-Yourself, l’âge moyen doit baisser.

Q : Pour vos recherches, vous avez eu recours à l’impression 3D. Comment vous y êtes-vous pris ?

GR : J’ai été accueilli par l’école Centrale de Nantes pour utiliser leurs imprimantes 3D pour le projet Sensorwake. J’avais envoyé plein de mails, comme des bouteilles à la mer, et ils m’ont offert cette opportunité avant que je n’achète la mienne.

Q : Revenons sur le Sensorwake. C’est parce que cela sentait le pain trop grillé à la maison que l’idée a germé ?

GR : Non c’est que je me réveille assez tôt, vers 5-6 h. Et c’est dur ! J’avais testé le réveil avec la lumière, des bruits d’oiseaux… sans succès. Et j’ai pensé aux arômes. Cela m’est venu naturellement. Quand vous sentez l’odeur de la brioche dans la maison, cela donne des idées. J’ai fait un prototype rapidement avec un Arduino, du carton et de la colle. L’arôme était fait dans les labos de l’école en produisant des huiles essentielles car j’avais eu un cours sur l’hydrodistillation.

Q : Mais comment passe-t-on de l’idée au prototype ?

GR : De par l’envie de concrétiser. Et aussi avec le temps car il faut bosser soir et week-end. Bien sûr, il faut savoir programmer mais avec les tutos et Internet, c’est possible. Je suis autodidacte sur ce point grâce notamment au site du zéro, aujourd’hui OpenClassrooms. Après il y a une phase de bidouille, de test, de re-test, de validation… J’adore ça. Passer du schéma au fonctionnel prend du temps mais c’est ce qu’il y a de mieux.

Sensorwake

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Q : Et pour passer du prototype au produit ?

GR : Le vrai tremplin, le déclenchement, a été le Google Science Fair. J’ai déposé un dossier sans aucun espoir. Le fait de travailler le protocole de ce type de compétition, que je connaissais, m’a attiré. Et quand à la fin vous faites partie des 15 qui vont s’envoler vers Mountain View (là où se situe le siège de Google, NDLR)…

Q : On doit se sentir comme un fou ! Qu’avez-vous fait ? Sabré le champagne ? Sauté partout ? Appelé la famille ?

GR : C’était un rêve de gosse. On doute que ça soit vrai quand on voit son nom. Et oui on appelle la famille et comme j’avais le droit d’emmener une personne, j’y suis allé avec ma mère. C’était une des premières à tester. Là-bas, nous avons été accueillis comme des superstars ! Nous avons même vu le projet mis en avant sur des buildings !

Q : Avec le concept validé, restait à lui trouver un aboutissement concret. Comment s’est déroulé le passage de l’invention à l’industrialisation ?

GR : Il me fallait trouver l’associé adéquat pour le projet. J’avais rencontré Ivan (Skybyk, co-fondateur et directeur général, NDLR) après le Google Science Fair sur divers évènements. Nous nous sommes entendus rapidement. Nous avons créé la startup et travaillé sur le choix des partenaires industriels. Mais nous n’avons pas eu besoin de passer d’appel d’offre vu que nous étions très visibles, ils sont venus vers nous. Nous avons vu de tout et ce n’est pas facile mais jamais désespérant. Et c’est en fonction des recommandations, des réseaux et des précédentes productions que nous avons pu choisir.

Q : Il est souvent question de French Tech, du côté innovation des startups françaises. Etre français a-t-il été un avantage ?

GR : En termes d’image, oui ! Les ingénieurs français sont bons et il y a un vrai branding de la French Tech. Regardez les délégations françaises à l’IFA ou au CES. Cela ne fait pas tout mais notre visibilité est bonne. Et même administrativement, ce n’est pas compliqué de créer une startup en France. Ce n’est pas toujours clair pour avoir des aides mais il y a du mouvement. Nous sommes en Pays de la Loire où le soutien est bien là. Je ne peux pas comparer mais ça semble un avantage.

Q : Comment vous sont venus les différentes idées de parfum de réveil (bord de mer, croissant, expresso…) pour le Sensorwake ?

GR : Nous avons fait appel au futur client début 2015 avec un grand sondage sur le sujet. Avec 10 000 votes, ce fut un super succès. Il faut dire qu’on parlait de nous !

Q : Vous avez d’autres projets sur l’odorat. D’où vous vient cette attirance ?

GR : Avec le réveil olfactif, j’ai abreuvé ma curiosité naturelle sur les arômes avec un constat simple : le sens olfactif est peu utilisé. Et plus on en parle avec des spécialistes, plus on se rend compte des possibilités.

Q : Votre prochain projet sera donc différent du Sensorwake ?

GR : Non, nous restons autour du parfum mais avec une approche santé connectée. C’est difficile d’éduquer sur ce thème mais c’est porteur. Nous allons suivre l’évolution des objets connectés.

Guillaume Rolland sur scène
Q : A votre âge (Guillaume Rolland a 19 ans NDLR), on imagine que vous vivez une drôle d’aventure, un accélérateur de vie ! Quelles choses n’aviez-vous pas prévues ?

GR : Tout est nouveau, à 19 ans c’est ma première aventure. Il n’est pas toujours simple de respecter les deadlines notamment. Et il faut beaucoup de conseils et être accompagné. C’est une des clés, avoir des personnes bienveillantes. Car c’est un plein d’émotions.

Q : Avec tout cela, l’inventeur du réveil olfactif arrive-t-il à dormir ?

GR : Les nuits sont plus courtes mais c’est tant mieux car les journées sont bien remplies. Je reste serein.

Q : Et quid des études ?

GR : Je suis à 100% sur le projet et en césure pour la 2e année du coup. Mais ce n’est pas une année sabbatique et je ne veux pas quitter. Mon but est d’abord d’aller le plus loin.

Q : Si vous pouviez donner un coup de pouce ou un éclairage sur la création de projet professionnel, quel serait-il ?

GR : Il faut mettre dans les mains des jeunes des Arduino et des imprimantes 3D. Cela stimulera la création. L’origine, c’est l’idée mais il faut lui donner corps. Donnons aux jeunes les outils adaptés, avec une Playstation, on ne fabrique rien !