En 2002, pas très loin de nos locaux, un petit site d’actualité émergeait avec la volonté de parler du peer to peer, d’économie et de juridique dans le monde High-Tech. Un sacré défi que relevait alors Ratiatum (nom historique de la ville de Rezé). 16 ans plus tard, le site, devenu Numerama est un incontournable pour qui aime suivre l’actualité High-Tech. Et désormais, il est possible de s’équiper avec des PC originaux, pensés par la rédaction de Numerama et montés par Materiel.net. Rencontre avec Julien Cadot, rédacteur en chef.
Matblog : Je sais, cela concerne peu de gens, mais comment décririez-vous Numerama à ceux qui ne le connaissent pas encore (#shame) ?
Julien Cabot : J’aime assez notre punchline « le média de référence sur la société numérique et l’innovation technologique » car cela englobe vraiment tout ce que l’on fait. Nous avons une approche grand public mais avec un angle de spécialiste. Ce n’est pas des plus fréquents : nous ne sommes pas techniques comme Anandtech, nous sommes plus proches d’un Vox. Je dirais que Numerama est tenu et écrit par des passionnés avec une ligne généraliste assumée. Mais toutes nos analyses ont un biais technique ou porté sur l’innovation et l’impact qu’elle a sur la vie des gens, la politique, la société…
Pour nous, la révolution numérique est déjà passée : les smartphones, le gaming, etc. tout est déjà là !
M : Numerama est aujourd’hui un pilier de la presse Web High-Tech, un secteur pas très en forme (sic). Comment expliquez-vous cette place ?
JC : Au moment où nous avons (re)travaillé notre ligne éditoriale, il y avait une place à prendre en France entre deux types de journalisme de qualité mais très ciblés, opposés entre eux.
D’un côté, il y avait les rédactions qui s’adressent à ceux qui connaissent et aiment les dessous de la technologie comme sur HFR ou Anandtech. De l’autre, une manière plus classique, plus vulgarisante d’aborder ces sujets comme la rubrique Pixels du Monde par exemple.
Entre les deux, c’était un peu vide. Etre détaché de la technique tout en gardant un regard précis est un positionnement média qui existait aux Etats-Unis mais pas vraiment chez nous. Nous l’avons tenté en s’adaptant au lectorat et en faisant des choix forts.
Quel angle choisir pour traiter des cartes graphiques ? Nous n’avons pas la légitimité pour proposer des benchs, de développer un labo de tests… Alors quand nous parlons de Max-Q par exemple, nous allons l’aborder sous l’angle de l’usage, avec une approche empathique.
Nous voulons expliquer « qu’est-ce que cela change ? ». Et cette façon de faire a plu. Sans compter que notre ligne éditoriale d’aujourd’hui, faite de high-tech, de pop culture mais aussi des impacts de ces sujets sur la société, la politique, est plus dans l’ère du temps que le juridique de nos premières années.
M : Dans un secteur où il faut compter sur les marques pour pouvoir toucher et tester les produits et où le marketing prévaut, cela ne doit pas être évident…
JC : Mais cela touche toute la presse technologique. Nos lecteurs attendent de nous que l’on soit juste et convaincant. Nous n’attendons pas d’un journaliste qu’il donne son avis mais son expertise. Notre expérience et nos compétences doivent nous permettre d’analyser et de critiquer. Mais c’est toujours un jeu de justesse, d’honnêteté et les marques le savent.
Nous ne sommes pas toujours en extase devant un produit, il faut décrypter le « bullshit », avoir une vision globale et bien repérer les vraies innovations. Il y a une formule que j’aime bien d’un journaliste d’Anandtech « il n’y a aucune mauvaise carte graphique, que des mauvais prix ». Il faut en effet tout regarder dans son contexte, comparer… Cela peut parfois être chaud avec les marques, mais ce n’est pas grave.
M : Vous proposez maintenant des PC Numerama réalisés par Materiel.net. Quel regard portez-vous sur la plateforme et la montée du gaming ?
JC : Personnellement, je suis un joueur qui n’a jamais eu de console ! J’ai découvert les jeux vidéo sur PC dès ma plus tendre enfance et je n’ai pas lâché.
Aujourd’hui, je trouve que c’est un monde moins élitiste. Entre les drivers, les mises à jour, etc., l’ordinateur a eu un côté rebutant à une époque. Mais deux éléments ont changé la donne : le monde des consoles est devenu moins simple qu’avant avec des « défauts » du PC (les bugs, les MAJ, la nécessité d’être en ligne…) qui y sont apparus.
À l’inverse, le monde du PC s’est simplifié avec des configurations abordables qui permettent de faire tourner pas mal de choses. La plateforme est devenue confortable ! Et ce grâce notamment à la centralisation autour du gaming qu’ont amené des Steam, Uplay et autres plateformes que j’avais pourtant bien critiquées au début. Mais elles ont participé à cette simplification du gaming sur PC.
Et puis, il y a surtout la puissance brute demandée pour avoir un bon rendu sur les jeux populaires qui est devenue plus « accessible ». J’ai par exemple au bureau un Intel Core i7 920, un CPU qui a donc quelques années. Mais avec juste une mise à jour hardware, à savoir une GTX 1060, je peux jouer à 85% de ma ludothèque. Le niveau graphique et la fluidité qu’offrent le PC sont sans commune mesure.
M : En revanche, l’aspect gaming voire esport est peu présent sur Numerama. Pourquoi ?
JC : Nous nous étions posé la question du traitement de ce sujet justement. L’esport est à mon sens un « OVNI médiatique » : sa popularité vient de plateformes en rupture. Parler de Fifa, de LoL ou d’Overwatch sur un média traditionnel, radio, papier ou TV, fonctionne peu. À l’inverse, cela cartonne sur Twitch, Facebook, etc. L’écosystème esport s’est donc développé sur ces médias.
Sur Numerama, c’est plus ce qui se passe autour de l’esport, niveau business, organisation, etc. qui nous intéresse.
M : Pour revenir sur les PC Numerama par Materiel.net, pouvez-vous nous raconter la genèse du projet ?
JC : À des degrés divers, nous sommes tous joueuses et joueurs à Numerama. Vu notre secteur d’activité, beaucoup de nos proches nous demandent souvent conseils pour leurs achats hardware. Nous nous sommes dits qu’il fallait se servir de notre expertise et avons alors décidé de faire des PC Numerama.
Nous avions vu ce que vous faites avec les ordinateurs Canard PC ou encore les PC Gamekult. Comme personnellement, nous étions en plus des clients chez vous, tout était réuni pour tenter ce pari. Et nous en sommes super contents !
M : Pouvez-vous nous détailler la façon dont vous avez imaginé ces trois setups ?
JC : Nous ne voulions pas juste vendre des PC Numerama. Il fallait qu’ils correspondent à notre ligne éditoriale. Nous proposons donc trois configurations.
La première est née d’un constat : le marché du gaming sur PC est encore un peu « adolescent » avec notamment la tendance des diodes RGB partout. Or, il y a beaucoup d’adultes qui jouent et qui ne veulent pas une discothèque dans le salon. Nous voulions donc faire un PC puissant pour jouer en ultra mais sans qu’il fasse gamer. C’est paradoxal mais cela correspond à un besoin. Nous avons donc choisi un boîtier qui se fond bien dans les intérieurs modernes, le R5 de Fractal Design. Il est minimaliste dans le bon sens du terme. Et pour atteindre notre objectif « sans compromis mais avec style », nous lui avons associé une 1070 Ti et un CPU Ryzen. Et nous l’avons baptisé Lagles.
Ce nom nous est venu logiquement après avoir imaginé une autre configuration. Celle-ci devait refléter le côté Open Source que l’on aime chez Numerama ; nous voulions donc un PC fait pour une distribution Linux. Nous l’avons appelée Linus, comme clin d’œil évident au créateur du noyau Linux, Linus Torvalds. Ce mot a une sonorité latine donc nous avons choisi des noms qui nous paraissaient proche. Lagless en anglais, on voit ce que cela veut dire (sans lag NDLR) et enlever le s conférait ce côté latin.
Du coup, le troisième PC s’appelle lui Minimalis : c’est « l’ordinateur caché » qui permettra de faire du multimédia et du gaming tout en prenant position sous la TV grâce à un petit boîtier. C’était un défi ce PC car mettre des composants dans un si petit espace… Mais le challenge était intéressant !
M : Concevoir le Linus n’a pas dû être simple non plus…
JC : Ce n’était pas évident mais, là encore, nous avions identifié un besoin.
Linux a un problème de distribution et de pédagogie. Ceux qui connaissent peu, ou pas, ne vont pas le tester ou y penser comme une solution alternative. Notre volonté était donc de présenter cette solution au grand public qui n’a pas forcément besoin de Windows ou de Mac OS. C’est une alternative, la moins chère de toute et c’est très performant pour des usages bureautique, Web ou multimédia.
L’autre problématique autour de Linux, c’est la distribution. Nous sommes partis sur un Ubuntu même si je suis sûr que l’on nous reprochera le côté « mainstream ». Mais Ubuntu a beaucoup progressé. Nous avons choisi une version LTS, Long term service, qui est parfaitement mise à jour, maintenue et entretenue. C’est simple, il y a un app store s’il manque quelque chose… Il n’y a pas besoin de savoir utiliser le terminal ! Nous avons envie de dire « faites-nous confiance et pariez sur Linux » ! D’autant que pour ceux qui veulent découvrir un peu plus l’informatique, c’est top ! On reprend possession de l’outil, c’est une démarche intéressante et nécessaire.
Dans le monde numérique, beaucoup de choses ont été simplifiées, c’est bien, mais il est hyper important pour nous de comprendre comment les choses fonctionnent. L’informatique, ce n’est pas de la magie, c’est de la science.
M : Quels sont les projets de Numerama ?
JC : Nous avons vécu une grosse année d’évolution en 2017. Et en 2018, nous avons plusieurs objectifs. La refonte du site mobile tout d’abord, dans la philosophie d’un Web plus accessible. Nous ne savons pas encore quelle forme technique cela va prendre, mais nous y travaillons.
Nous œuvrons aussi pour intégrer Numerama dans tous les assistants type Google Home. Il y a donc tout à faire au niveau de l’interface vocale.
Enfin, des briques éditoriales vont être ajoutées pour s’imposer encore plus comme une référence High-Tech. Un peu dans la veine de nos recommandations, notre rubrique « Stuff we like », pour poursuivre notre volonté de partage.