Il est l’un des rares bloggeurs « High-Tech » français à avoir sa page Wikipedia, à avoir été reçu à l’Elysée mais aussi entendu en garde à vue lors du piratage de Twitter en 2009. Régulièrement classé parmi les personnalités les plus influentes du Web, Manuel Dorne est l’auteur du blog Korben. Véritable spécialiste, son appétence pour des sujets qui nous passionnent (drone, impression 3d, sécurité informatique, citoyenneté numérique) nous a amené à vérifier si, 12 ans après, le personnage était toujours aussi « Greeeeen » !
Q : Pour tous ceux qui ne vous connaîtraient pas, pouvez-vous nous parler de votre parcours qui vous a amené jusqu’au site Korben ?
K : Je ne sais pas ce qui m’a amené là ! Au début du Web, je voulais déjà faire des sites. Ado, j’en faisais, très très vite, des sites perso du genre « ma famille, mon chien,… ». J’allais sur des forums, je lisais beaucoup et je m’intéressais aux sites de Hacking. La plupart des choses se passaient aux USA mais c’était génial, j’échangeais avec l’autre bout du monde ce qui est banal maintenant. Sur un des forums, Open-Files, j’écrivais des articles, déjà sur les ayants-droits, le téléchargement illégal ou encore le P2P sur un plan purement technique. J’avais donc besoin d’un pseudo et je venais de voir le 5e élément que j’ai beaucoup aimé. Korben, cela me faisait un pseudo bien badass pour le forum.
Q : Et comment passe-t-on du pseudo au blog ?
K : J’en avais marre d’écrire sur le forum et en plus j’avais appris à développer. J’ai notamment créé un logiciel, RockXP, et j’avais besoin d’un site pour permettre de le télécharger. C’était parti ! Mais quand j’ai arrêté sur le forum, je ne pensais pas prendre la parole sur mon blog. C’est venu après car j’avais soif d’écrire. Tous les jours. C’est un virus. Et je suis ainsi devenu bloggeur.
Q : Aujourd’hui ça va même plus loin puisque vous êtes une « célébrité » du Web. On vous arrache les vêtements dans la rue ? Vous êtes habitué ?
K : (rires) Je me suis habitué au mot de bloggeur et on m’interroge sur le sujet. Parfois on me reconnaît dans la rue ! Mais je ne passe pas souvent à la TV et seuls ceux qui me suivent connaissent ma tête. Ceci dit, dans les événements Geek ou Tech, je ne respire plus mais c’est vraiment sympa.
Q : Vous vous êtes rendu compte de cette bascule dans votre statut ?
K : Il y a eu 2 moments charnière. Le premier c’est mon arrivée à Paris. J’ai commencé à être courtisé, c’était une grande période pour les bloggeurs. J’ai fait la fiesta pendant un mois et c’est d’ailleurs là que j’ai constitué mon réseau. Mais au bout d’un moment, j’en ai eu marre, même si cela faisait plaisir d’être ensemble. Le 2e élément clé, c’est la hausse des revenus. J’avais mis du AdSense et les stats ont commencé à grimper. Et puis dans les événements, on commence à venir vers toi, certains en connaissent presque plus sur moi que moi-même d’ailleurs, c’est bizarre. Je dois décoincer les gens alors que je suis timide moi-même ! J’ai appris à gérer tout cela sur le tas, même la tarification de mes activités.
Q : Désormais c’est votre principale activité. Comment vous organisez-vous ?
K : Grosso modo, je fais ma veille le matin (je me lève à 5h, couché à 22 !). Une fois, les enfants à l’école, je me lance sur le blog. J’écris le matin et l’après-midi je m’occupe de mes autres boîtes.
Q : Le site Korben est devenu une SARL en 2011. Avant, vous aviez un autre métier. Pourquoi et comment ce choix ?
K : Korben existe depuis 2004 et je travaille depuis 2002. C’était donc annexe, matin et soir. J’étais consultant informatique dans le tourisme notamment. Ma compagne a eu l’opportunité de travailler en Auvergne et je voulais quitter Paris. C’était une aubaine de pouvoir se mettre à mon compte en suivant ma conjointe. Je pensais à être consultant freelance mais les revenus du blog ont alors commencé à suivre. Moins qu’avec mon précédent job mais avec moins de stress aussi et plus de passion. Ensuite, j’ai monté Remixjob, site d’emploi, avec des amis et il vit sa vie maintenant. Et puis, un jour, on m’a demandé si je comptais blogger toute ma vie…. Cela m’a vexé car je n’y avais pas réfléchi ! J’ai eu aussi l’occasion de me diversifier avec Ificlide, une société de conseil et la petite dernière, Yes We Hack / Bounty Factory, une plateforme de bug bounty et d’emploi dans les métiers de la sécurité. Maintenant, mon problème c’est de tout gérer !
Q : Qu’est-ce qui vous a amené à vous spécialiser dans l’information sur la sécurité informatique, la protection des données, etc. ?
K : Bonne question. J’ai toujours fait ça, je ne saurais répondre. Ce sont des thèmes qui m’inspirent et m’ont toujours bercé, je ne me censure ni ne m’oblige. Je ne sais pas, c’est par passion.
Q : Jusqu’à avoir une approche sociétale très poussée et finalement politique…
K : On peut le voir comme ça. Mon boulot c’est de toujours expliquer comment fonctionnent les choses et ce que cela implique. J’aime expliquer, la technologie comme la Loi. Cela me soulage aussi, c’est un exutoire ! J’aime ne pas mâcher mes mots et j’ai conscience que je peux faire passer des idées. Après, cela dépend des périodes, là je suis saturé. Pour moi, ce n’est pas de la politique mais j’arrêterai d’en parler le jour où les politiques arrêteront de parler technologie !
Q : Dans vos thèmes favoris, il y a aussi le mouvement des makers et tout ce qui concerne le DIY. Quel regard avez-vous sur cette nouvelle tendance ?
K : C’est une prolongation du Hacking et de l’Open Source. Avant, les gens bidouillaient car ils en avaient besoin. Les logiciels libres ont aidé à contourner les solutions propriétaires. Or les choses se sont fermées et les gens veulent ouvrir. D’où le mouvement des makers. Tu achètes des composants et aujourd’hui tu peux monter un prototype. Cela se démocratise et c’est très bien. Avec les outils d’aujourd’hui, c’est plus simple pour que tout le monde se mette à faire de plus en plus de choses par soi-même. Les gens apprennent à se débrouiller, y compris ceux qui ne viennent pas du milieu technologique, et préfèrent faire qu’acheter. Il y a un petit côté rebelle et on redécouvre certaines choses.
Q : Et l’impression 3D ?
K : Je m’y suis mis, j’ai plusieurs imprimantes. Mais j’aimerais concevoir maintenant. Il faut que je m’y forme car c’est la création en partant de 0 qui est le vrai avantage de l’impression 3D.
Q : Quels sont vos projets pour le site mais aussi pour vous-même ?
K : Continuer à développer les sociétés auxquelles je participe ! Pour Korben, lorsque j’aurais le temps et les sous, je ferais un reboot du blog. La base de données commence à flancher. Mais je dois prendre le temps de réfléchir car j’ai envie de nouveautés.
Q : Des conseils à donner à ceux qui voudraient se lancer ?
K : Cela dépend pourquoi ils le font. S’il y a la passion, il faut être naturel. Cela vaut pour les YouTubers aussi que j’admire car ils se font taper dessus alors que faire du contenu n’est pas simple… Il faut être patient aussi. J’ai mis par exemple 8 ans avant de toucher un Kopek sur Korben. Mais ce n’était pas l’objectif, c’était et c’est toujours une passion. La plupart des blogs de mon époque sont devenus des médias et être bloggeur aujourd’hui, ce n’est que de la passion. J’ai l’impression d’être un dinosaure ! Pour gagner de l’argent en tout cas, il vaut mieux monter une boîte !!
Q : Pour terminer, quel est votre dernier achat High-Tech ?
K : J’ai acheté l’USB Killer (rires). Et juste avant la Nintendo NES Mini Classic. Ceci dit, je suis largué sur le matos, je n’ai plus le temps et c’est moins intéressant sauf pour quelques produits qui rejoignent ma thématique. Je regarde plus le High-Tech et l’innovation sur Kickstarter maintenant. Je ne fais pas la course au dernier truc mais la course à ce que l’on ne voit nulle part !