Google, IBM, Alibaba et Atos, ainsi que quelques startups, planchent sur le futur de l’informatique : les ordinateurs quantiques. Lorsqu’ils seront réellement opérationnels d’un point de vue commercial, ils seront capables de résoudre des problèmes complexes comme la modélisation de processus chimiques, créer de nouveaux matériaux, renforcer la cryptographie ou encore améliorer les prévisions météo. Avec le risque qu’ils soient plus forts que nombre de sécurité informatiques…
Commençons par rappeler les principales différences entre l’informatique quantique et l’informatique que nous connaissons actuellement.
Dans l’informatique classique, un bit est un élément d’information unique qui peut exister dans deux états : 1 ou 0. L’informatique quantique utilise des bits quantiques, ou « qubits ». Ce sont des systèmes quantiques à deux états. Ils peuvent stocker beaucoup plus d’informations que seulement 1 ou 0, car ils peuvent exister dans plus d’un état à la fois.
Réfrigérateur
Pour travailler avec les qubits pendant de longues périodes, il faut qu’ils restent très froids. Toute chaleur dans le système peut introduire des erreurs, c’est pourquoi les ordinateurs quantiques sont conçus pour créer et fonctionner à des températures proches du zéro absolu.
IBM explique sur son site comment fonctionne le réfrigérateur à dilution d’un ordinateur quantique, composé de plus de 2 000 composants.
Sur le papier, l’informatique quantique fait rêver. Les applications semblent très variées : de la construction à la physique, la chimie ou encore l’Intelligence artificielle (et sa sous-catégorie, le machine learning).
Mais il reste encore du chemin avant que les entreprises puissent exploiter les avantages de l’informatique quantique.
Début 2019, au CES, IBM a présenté son premier ordinateur quantique commercial pour une utilisation à l’extérieur des laboratoires spécialisés. Seul bémol, cette machine de 20 qubits est loin d’être assez puissante pour la plupart des applications commerciales que l’on envisage pour un ordinateur quantique…
Cette annonce montre que l’informatique quantique est encore loin d’être une réalité.
La fin de la sécurité informatique ?
Le concept a été conçu pour la première fois au début des années 1980 par, entre autres, Richard Feynman, physicien lauréat du prix Nobel.
Ce n’est qu’à la fin des années 1990 que les premiers ordinateurs quantiques rudimentaires ont été construits par des chercheurs universitaires. D-Wave Systems Inc., une entreprise canadienne, a été la première à vendre des ordinateurs quantiques en 2011 (son dernier modèle, de 4 000 qubits, coûte 15 millions de dollars), bien que leur utilité soit limitée à certains types de problèmes mathématiques. Puis, les géants de l’informatique s’y sont mis. Avec beaucoup d’effets d’annonce…
Dans un article de la revue scientifique Nature, publié en mars 2017, Google avait détaillé son projet pour commercialiser la technologie quantique au cours des cinq prochaines années. Il avait même annoncé un ordinateur quantique pour la fin 2017.
La même année, IBM avait présenté un ordinateur quantique de 50 qubits, mais qui n’était stable que durant… 90 microsecondes. Une durée incompatible pour un réel usage.
Aujourd’hui, Google pourrait être la première entreprise à proposer une machine capable de faire quelque chose qu’un ordinateur classique ne peut pas faire et dont l’usage ne serait plus réservé à quelques scientifiques. Ce serait alors ce qu’il appelle la « suprématie quantique ». Le géant a déjà une machine avec 72 qubits, tandis qu’IBM et Intel en ont créé d’autres avec environ 50 qubits.
Parallèlement, des experts s’inquiètent de voir des ordinateurs quantiques trop puissants ! Les algorithmes actuels mettraient des millions de millions d’années pour factoriser un nombre de 600 chiffres. Un ordinateur quantique entièrement fonctionnel pourrait effectuer cette opération en quelques… minutes.
Pour schématiser, cela signifie qu’un ordinateur quantique pourrait plus rapidement qu’un super ordinateur « casser » les clés qui assurent la confidentialité et la sécurité des échanges sur Internet notamment. La preuve, début juin, deux chercheurs du KTH Royal Institute of Technology à Stockholm ont indiqué qu’un ordinateur quantique de 20 millions de qubits pourrait découvrir en moins de 8 heures un chiffrement AES (Advanced Encryption Standard) RSA de 2048 bits.
De quoi avoir des sueurs froides pour l’avenir.