Par Caroline L., chef produit chez Materiel.net, fan de séries US, de BD et de fondants au chocolat. Pas de défaut officiellement répertorié jusqu’à l’arrivée d’Orcaline, son avatar sous WoW, qui a fini par révéler une tendance à faire preuve de mauvaise foi (un peu) et à râler (beaucoup).
Quand on travaille à Materiel.net, quel que soit son poste, on fait l’objet de toutes les curiosités dans son entourage : « Comment ça se passe ? Qu’est-ce que vous testez ? Et bien sûr : qu’est-ce que tu me recommandes comme produit ? ». Conseiller un joujou high-tech n’est pas une mince affaire… Nous nous basons sur nos connaissances techniques, sur ce que nous avons pu tester via nos contacts ou lors des salons high-tech… Et bien évidemment sur les précieuses informations de notre SAV.
Ce service regorge d’experts qui traquent tous les problèmes récurrents, nous informent des améliorations dans les processus de SAV des marques (et inversement), et bien évidemment diagnostiquent les défaillances des matériels des clients. Je m’y suis infiltrée le temps d’une journée pour saisir l’ambiance de ce service qui fait et défait les réputations des produits. N’oubliez pas de finir votre café et de chausser vos chaussures de sécurité, c’est parti !
7h45
Les lumières s’allument : c’est l’arrivée des testeurs.
Je les suis, passe le portillon, et pénètre l’antre du SAV. Chaque testeur dispose d’une allée qui lui est réservée, équivalente à un banc de test. Un tour rapide me permet de constater que tous disposent bien du même matériel pour garantir des résultats homogènes d’une personne à l’autre.
8h05
Je suis Vincent, qui fait partie des 4 testeurs polyvalents. Les produits à vérifier, amenés par la réception, sont tous stockés dans des caisses. Les testeurs s’emparent des « cas » dans l’ordre d’arrivée…
Pas de jaloux ! Marc-Antoine hérite, lui, d’un écran PC. De quoi s’échauffer en ce début de journée.
Le but est de vérifier l’existence d’un pixel défectueux révélé par le client : « Une panne récurrente et visible, rapide à traiter. Dans ce cas précis, il s’agit plus pour moi de décrire le sous-pixel afin de vérifier s’il rentre dans le cadre du retour à la marque », confirme Marc-Antoine. Rappelons en effet que les conditions de garantie sont dictées par les constructeurs. Mais nous savons nous mettre en quatre pour donner le maximum d’avantages à nos clients.
8h20
Juste derrière Vincent, auto congratulations pour Benoit, qui vient de déclarer son « patient » sauvé. L’objet de cette joie est un disque dur qui nous est parvenu non formaté : « La table de partitions est parfois réparable avec des logiciels adaptés, et on peut tomber sur des récupérations de 100% des données comme c’est le cas aujourd’hui. Malheureusement rien n’est certain dans ce domaine, et parfois on doit déclarer forfait et annoncer au client que nous n’avons pas réussi à récupérer ses données personnelles ».
« On ne saurait trop conseiller aux clients de « mirrorer » ses données ou de les sécuriser dans un Cloud personnel », renchérit Laurent. « Annoncer à un client que nous n’avons pas réussi à récupérer ses fichiers – surtout lorsqu’il nous a donné des détails et qu’il s’agit de photos en particulier – est toujours difficile ».
8h30
François s’affaire autour d’une config Materiel.net. « On les connaît par cœur, ce sont les nôtres ! » Il fait partie des 3 personnes dédiées aux configurations et est capable à lui seul d’en tester 5 à 6 par jour. « Pas plus ! Nous leur apportons un soin tout particulier car c’est notre marque de fabrique. »
10h
Réception d’un mail de Micka, notre référent technique, véritable expert (voir son portrait), qui soumet une proposition de formation spécifique.
Chaque jour, les testeurs vont vérifier l’intranet qu’il alimente : sont remontés les dernières nouveautés en terme de sorties produits, les mises à jour de pilotes, les problèmes techniques à envisager… « Ces informations sont diffusées auprès des collaborateurs afin que rien d’important ne leur échappe. Ceci dit, tous nos testeurs sont des passionnées de technologies, toujours à l’affût dans leurs domaines de prédilection. La curiosité est l’un de nos moteurs à tous », affirme Matthieu, le responsable du SAV.
11h05
Je passe par l’allée dédiée à l’audio-vidéo, la seule dotée d’une télé et de deux amplis parés à toute éventualité dont chaque testeur peut disposer selon le cas.
Cette organisation permet de tester les produits dans un environnement proche de celui des clients : dans le cas actuel c’est un boitier multimédia apparemment défectueux qui est sur le banc d’essai.
11h45
Une machine revient avec pour seule indication un DVD bloqué dans le lecteur. Julien ouvre le tiroir via le système d’éjection de secours et extrait bien le DVD… accompagné de l’autocollant fourni par le constructeur de la carte mère et habituellement placé dans la pochette du DVD. Ici, il empêchait l’éjection !
Si tous les cas pouvaient se régler aussi facilement !
12h – 13h
Il y a une bonne raison pour que tout le monde quitte les bancs en même temps… Pas de boisson ni de nourriture autorisés dans l’ensemble du SAV, ceci afin d’éviter la rencontre inopportune de graisse, de sucre ou d’eau avec votre matériel. Vous voilà rassurés ? Un mal pour un bien, le distributeur de confiserie et de boissons se situe lui aussi dans la salle de pause !
C’est un moment propice pour les échanges. Alors, quelle est la différence entre le bon et le mauvais testeur ?
Réponse : « Il n’y a pas de mauvais testeur, c’est une question à la fois d’intérêt personnel et d’expérience : le mélange de ces deux qualités permet de détecter les possibles incompatibilités, les modifications liées aux MAJ, de gagner du temps en détectant à l’œil le possible problème, et aussi de détecter statistiquement quelle en est la cause la plus probable. Mais le plus important est d’être méthodique : nous avons créé nos propres procédures pour être toujours efficaces. Sans une grosse méthode de travail comme la nôtre, c’est compliqué ».
13h05
Un bloc carte-mère / mémoire / processeur est arrivé sur le banc de Vincent. Il mettra quelques minutes à se faire tester avant d’être reconnu défectueux. « Le client nous a averti d’un problème sur sa mémoire, qui est testée par nos soins. Quel que soit le résultat de notre analyse, on teste toujours l’élément annoncé défectueux, seul, puis dans le groupe de composants afin de vérifier s’il n’y a pas un autre problème non décelé par nos clients. Nous préférons être sûrs du résultat car notre objectif premier est que le client soit satisfait de notre travail et n’ait bien évidemment pas besoin de retourner une deuxième fois son produit. ».
Le mot d’ordre est de vérifier, de vérifier et encore de vérifier. « Le temps passé par produit ? Difficile à dire car on lance plusieurs machines simultanément », répond Julien. « Cela nous permet d’avancer en temps masqué et de pousser aussi loin les tests qu’on le souhaite sur une machine récalcitrante ».
14h10
Mickaël planche avec le chef produit PC sur le test d’une nouvelle configuration.
« Chaque nouveau PC Materiel.net, avant de voir le jour, passe par plusieurs mains. Si le concept et la composition d’une nouvelle config sont mûris par le chef produit, c’est le service montage qui l’assemble, lui remonte les éventuels manques ou incompatibilités (dans certains cas, il peut s’agir d’un ventirad qui empêche de fermer le panneau, par exemple…). »
La configuration ne sera définitivement validée qu’une fois testée par Micka au SAV.
C’est peu dire que ses vérifications sont minutieuses : la mise à jour du BIOS, l’installation du système d’exploitation, la vérification de la stabilité mémoire, du processeur, du niveau sonore global de la machine et des températures… en font partie.
Lorsque j’arrive, ce nouveau bébé signé Materiel.net est en train de passer au Matbench, protocole de test qui dote nos configurations d’un score concernant les performances de jeux et de calcul.
Jean-Charles – le chef produit PC – et Micka, autant habitué aux pannes complexes qu’au prototypage des machines, suivent ensemble cette étape, l’une des dernières avant de voir le jour officiellement. « Celle-ci est décisive, elle est un indicateur important qui nous permet de vérifier si la mission accordée à la config est remplie.»
De longues minutes plus tard – et autant de questions qui hantent : « faut-il changer de ventilateurs, faut-il revoir le positionnement du modèle, faut-il lui changer de nom ? » – l’accouchement s’est très bien passé, une nouvelle star est née, qui devrait apporter des performances haut de gamme aux clients assoiffés de jeux vidéos.
15h15
Il y a des cas où le constat est malheureusement sans appel : appelé à diagnostiquer un PC ayant produit une fumée grise et ne s’allumant plus depuis, Julien détecte à l’œil que le connecteur d’alimentation de lecteur de disquettes a été branché sur une prise ventilateur de la carte mère, créant un court-circuit. Une manipulation malheureuse qui a engendré la fin de vie prématurée du produit. Cas suivant !
15h20
Au même moment, une voix s’affirme de l’autre côté de la salle. C’est l’un des 3 membres du Service Relation Fournisseur qui insiste pour obtenir une réception plus rapide d’un produit pour un retour à neuf. « D’habitude les délais sont respectés avec cette marque », soupire David. « Le client avait une panne au déballage mais le produit neuf tarde à arriver. On connaît chaque fournisseur et on pousse parfois certains dossiers qui tardent à être acceptés. On n’a pas toujours gain de cause car il y a des paramètres indépendants de notre volonté en jeu, mais en privilégiant le contact humain on peut gagner quelques jours à certains clients malchanceux ».
15h30
François récupère une machine très haut de gamme, orientée traitement de vidéo. Le volume RAID 5 contenant des rushs est détecté en panne par le contrôleur RAID, et les disques sont détectés en RAW par Windows. Petit plaisir de la journée : le volume RAID a été recréé sans que les données ne soient atteintes. François est parvenu à réécrire la table d’allocation des fichiers, permettant un accès immédiat aux données, sans passer par une longue tentative de récupération.
Il y a des petites victoires qui en valent des grandes !
15h50
Il y a des cas plus compliqués que d’autres.
Ainsi ce PC, acheté sans carte graphique, qui a tenu l’équipe en haleine pendant plusieurs jours. « Le client nous a prévenu qu’il possédait déjà un écran WQHD, et qu’il n’arrivait pas à atteindre la résolution native de l’écran en HDMI ou DVI. » La carte mère n’a que du DVI-D single link, limité à 1920×1200 px. L’écran n’accepte que du DVI-D DL ou du Display Port pour sa résolution native.
Le client achète alors un câble DP mais rencontre des soucis d’affichage : « Nous lui avons envoyé tour à tour deux câbles DP, mais sans résultat. Le client nous dit avoir testé son écran et son PC avec d’autres appareils sans rencontrer de souci… Alors on a récupéré sa machine : testée avec des écrans en WQHD, tout fonctionne ! ».
Pour résoudre le problème, le SAV a demandé au client l’envoi de son écran. « C’est celui que je viens de tester : l’écran était défectueux en résolution native en DP, depuis le départ. Le client, sans s’en rendre compte, l’avait testé en résolution inférieure et en HDMI avec les PC portables… ».
Vous avez suivi ? Ceci n’est qu’un résumé… Il aura donc fallu de nombreux échanges entre le client et nos services pour que l’équipe du SAV dispose de toutes les informations nécessaires. Il aura fallu 10 jours pour qu’à 16h30, le dossier soit enfin résolu ! Ce qui me permet de rappeler que plus vous donnez des indications à nos équipes en amont, plus cela va vite !
« On fait confiance au client pour nous donner les informations nécessaires à son retour en SAV, la déclaration qu’il fait peut éclairer la situation de manière radicale », affirme Julien. « On a parfois l’impression que les résultats défient toute logique », renchérit Sébastien. « On peut être obligés de revenir auprès du client pour avoir d’avantage d’informations sur la récurrence de la panne, ses circonstances… Pour se rendre compte que c’est un problème de compatibilité, un souci de réseau électrique car d’autres appareils sont touchés. Plus on a d’informations, plus on obtient vite un faisceau de preuves qui va nous motiver à pousser davantage les tests ou à conseiller l’achat d’un onduleur… Plusieurs jours peuvent être gagnés avec des informations complètes. »
17h
Les bancs se vident. Pendant cette journée 103 retours sont arrivées. Dans les racks, pannes au déballage, rétractations, problèmes de transport… 194 produits auront été testés, analysés, et connaitront des fortunes diverses.
Les lumières s’éteignent et les PC ronronnent. Certains logiciels tourneront toute la nuit pour permettre au testeur de déterminer l’état du produit en son âme et conscience. Car le SAV ne s’arrête jamais vraiment.