Quelques encablures après le déploiement d’Apple Pay en France, le paiement mobile n’a pas véritablement décollé. La faute à un marché morcelé, des offres loin d’être universelles et des craintes qui freinent encore les consommateurs. Suivez le guide pour y voir plus clair.
Si vous vous êtes rendus aux dernières éditions du festival Rock en Seine, vous avez sûrement été invités à dégainer votre smartphone. Pas pour enchaîner les selfies ni pour immortaliser la prestation de votre groupe fétiche, mais pour payer votre pinte de bière ou votre jambon-beurre. Dans un souci de gain de temps dans les files d’attente, les organisateurs ont en effet expérimenté l’appli Fivory, pensée pour transformer le téléphone en moyen de paiement.
Simple, en théorie
Le principe est simple et illustre d’une façon générale la façon dont fonctionne un service de paiement mobile. Après avoir téléchargé l’appli et renseigné votre numéro de carte bancaire, il vous suffit de présenter votre mobile au commerçant pour régler vos achats. L’opération se fait en rapprochant le téléphone NFC d’un terminal de paiement ou via un QR code qui apparaît sur l’écran et qui est scanné par le marchand.
L’expérimentation menée par Rock en Seine préfigure-t-elle la façon dont nous réglerons nos emplettes dans un futur proche ? Nous ne sommes pas devins, mais il est fort à parier que le smartphone est appelé à jouer un rôle croissant dans nos transactions. En témoigne l’abondance des acteurs majeurs qui rappliquent sur ce terrain : Apple Pay est déployé , Samsung Pay et Android Pay annoncés, sans compter les solutions de nombreuses banques de l’Hexagone et spécialistes des paiements électroniques. De nombreuses offres, de multiples outils très semblables, des solutions acceptées par certains commerçants mais pas par d’autres, des applis réservées à certains OS mobiles, bref, pas simple d’y voir clair. On est encore loin de pouvoir profiter d’un service universel, utilisable partout, quel que soit le smartphone, le magasin ou le montant des achats.
Impossible choix
On comprend le désarroi des utilisateurs qui voudraient se lancer dans l’aventure. Que choisir ? Fivory parce qu’elle est portée par le Crédit Mutuel et BNP Paribas ? Paylib car elle est soutenue par Société Générale, Banque Postale, Crédit Agricole et Arkéa ? À moins qu’il ne faille se tourner vers KIX, l’autre solution proposée par BNP Paribas ? Ou alors vers Orange Cash, lancée par l’opérateur éponyme ? Ceux qui avaient essuyé les plâtres il y a quelques mois ou années avec les disparus ou moribonds V.me (BPCE), FlashN’Pay (Oney, banque d’Auchan), Kwixo (Crédit Agricole) – voire avec l’ancêtre Monéo – risquent d’avancer avec prudence, redoutant certainement d’inaugurer une nouvelle fois une solution appelée à disparaître.
Apple Pay parviendra-t-il à défragmenter le marché français et à attirer les utilisateurs ? Pas certain puisqu’il faut, pour en profiter, disposer d’un téléphone compatible (à partir de l’iPhone 6), être client d’une banque ou d’un service de paiement partenaire et titulaire d’une carte bancaire compatible (Visa chez Banque Populaire et Caisse d’Épargne, MasterCard chez Carrefour Banque, Orange Cash, carte Ticket Restaurant chez Edenred), rendre visite à un commerçant qui accepte ce type de paiement (théoriquement, tous les terminaux de paiement électroniques qui équipent les magasins devraient être compatibles NFC au 1er janvier 2020)… Oui, il y a encore du chemin à parcourir pour généraliser l’adoption de l’outil !
Des efforts pour convaincre
Il faudra aussi que les professionnels du secteur mettent les bouchées doubles pour convaincre les Français de sortir leur téléphone pour payer leur shopping. C’est qu’ils sont méfiants, les Français ! Selon une enquête Ipsos réalisée l’an dernier, seul un quart d’entre eux y seraient prêts et plus d’un tiers totalement s’y refuseraient absolument.
Les raisons d’une telle réticence ? Le manque de confiance arrive largement en tête, la peur liée à la sécurité de ce mode de paiement étant citée par 88 % des sondés. Pas étonnant : de nombreux internautes rechignent encore à payer en ligne de peur de se faire subtiliser leurs données bancaires ; on comprend que ces mêmes personnes soient frileuses quand il s’agit d’utiliser leur mobile pour régler leurs emplettes. Indubitablement, des efforts de communication pour rassurer et convaincre restent nécessaires. Suivent la crainte d’être inondé de pub et le manque d’envie de changer ses habitudes. Peut-être devrait-on ajouter une question à cette liste : est-ce vraiment une avancée de payer avec son mobile ? Dit autrement, cela revient à se demander si l’opération est plus simple que lorsqu’elle est réalisée à l’ancienne, en insérant une carte bancaire dans un terminal (ou en utilisant le paiement sans contact pour des montants inférieurs à 20 €).
La réponse est loin d’être évidente puisqu’il faut a minima, dans les deux cas, sortir un objet de sa poche et s’identifier (en entrant un code ou en présentant son empreinte digitale). C’est certainement en greffant des services additionnels aux solutions pour téléphone que les acteurs de ce marché pourront attirer les consommateurs. Il deviendra alors pratique de présenter un unique appareil pour payer, profiter de ses cartes de fidélité, utiliser des coupons de réduction, déduire un bon d’achat, écouler les chèques cadeaux offerts par le CE, etc. Fivory et Paylib semblent emprunter cette voie. Réussiront-ils à s’imposer comme incontournables, utilisables partout tout en restant faciles à prendre en main ? Affaire à suivre…
En attendant que les offres deviennent matures, certaines solutions de paiement mobile peuvent déjà rendre service au quotidien. Citons ainsi PayByPhone, qui remplace l’horodateur et permet de payer son stationnement dans 150 grandes villes directement depuis son téléphone. Testé et approuvé ! Les étudiants pourront se tourner vers S-Money pour régler l’addition de leur resto-U ou de la laverie du campus. Terminons par un coup de chapeau à Lydia, une appli qui montre que payer via un téléphone peut être simplissime, qu’il s’agisse de régler un commerçant ou de rembourser un ami. Un exemple à suivre.