Par Arnaud D., chef produit impression et 3D, gamer très attentif à la scène indépendante. Guitariste avec un penchant métal et post-rock, Arnaud est un grand passionné des évolutions du numérique et de leur impact sur les gens.
Difficile de saisir à quel point l’expérience de la réalité virtuelle est spéciale avant de l’avoir testée. Il suffit de regarder deux minutes quelqu’un d’autre y jouer, le casque de VR vissé sur le crâne, écouteurs sur la tête, pour se convaincre qu’être simple spectateur ne fait pas honneur à cette technologie qui semble à première vue être une expérience solitaire. Pourtant, regarder des personnes jouer aux jeux vidéos n’a rien de nouveau, ni d’ennuyeux, cela a même souvent été un moment d’échange. Et si la VR coupe le joueur du monde environnant, son avenir devrait pourtant bien intégrer la notion de spectateur…
J’ai eu l’occasion de tester la réalité virtuelle et plus particulièrement le HTC Vive dans nos locaux. Au-delà de l’expérience assez sympa que cela représente, je ne pensais pas trouver autant d’intérêt à regarder mes collègues gesticuler, crier (hurler ?), sursauter, se pencher dans tous les sens ! Pourquoi intéressant ? Parce que les réactions étaient au final beaucoup plus distrayantes que de le jeu en lui-même.
Car n’oublions pas que la VR, ce sont aussi des fails… :
La place de “spectateur” de jeu vidéo a toujours existé. À l’arrivée des premiers pixels vidéo-ludiques, contraintes technique obligent, il n’était pas toujours possible de jouer à deux au même jeu. Alors on partageait, on échangeait, on regardait l’autre réussir en deux temps trois mouvements ce niveau qui nous avait valu bon nombre de cheveux arrachés. Puis vint Youtube, et l’explosion de contenus de jeux vidéos présentés par des joueurs. Walkthroughs permettant de suivre la progression d’un titre sans avoir à y jouer, présentations de gameplay qui permettent de voir comment se joue un jeu… Les compétitions d’eSport et l’arrivée de Twitch sont venues enfoncer ce clou du jeu vidéo spectacle. Regarder quelqu’un jouer au jeu vidéo est ainsi enrichissant et peut même être plus drôle que d’y jouer soi-même.
Le jeu vidéo “classique” présente une différence d’immersion moindre entre le joueur et le spectateur, ce qui permet un partage facile. La VR, c’est un fossé énorme entre les deux.
Les sensations sont incomparables, l’expérience immersive d’un côté, la vision passive de l’autre. Être spectateur de la VR ce n’est plus suivre un jeu, mais les réactions de la personne qui joue. Faites une recherche rapide sur la “réalité virtuelle vue de l’extérieure”… Que trouve-t-on ? Un sacré paquet de vidéos de réactions de joueurs filmés en pleine séance de VR, terrifiés par le jeu Paranormal Activity ou tombant à la renverse en jouant à ‘The Climb’ … Le spectacle n’est plus le jeu vidéo, c’est le joueur isolé dans son monde virtuel.
Remettre le jeu au centre
À défaut de vivre une expérience immersive, le “rôle” du spectateur d’un jeu vidéo en VR serait donc de pointer du doigt en riant celui qui se retrouve en train de gesticuler dans tous les sens ? “Pas tout à fait”, répondent les gars du marketing de chez Vive (entre autres). On peut les comprendre, pour eux le souci est le suivant : la réalité virtuelle est inaccessible à un grand nombre de personne, comment expliquer dès lors à un public qui n’a pas accès à l’équipement VR tout ce que cette technologie peut apporter ? (Et non, un type avec un casque, deux manettes dans les mains et un cordon ombilical d’au moins 3m qui le relie au pc ne suffit pas.)
Les standards actuels en termes de videos et livestream de réalité virtuelle reproduisent ce qu’affiche le casque sur un écran. Le spectateur a donc le droit à une vue à la première personne tremblotante à la Cloverfield et à un joueur bougeant dans tous les sens. Loin d’être idéal, au mieux déroutant, au pire désagréable.
Pour aller plus loin, les équipes d’HTC Vive proposent des vidéos mixant la réalité et virtuel (c’était facile à deviner, les 2 mots sont dans l’intitulé). Ce type de vidéo montre le joueur immergé dans son environnement virtuel et sont bien plus divertissantes à regarder et engageantes. Ces vidéos de réalité mixte sont importantes car elles permettent de récréer un lien entre le joueur et le spectateur en permettant une certaine proximité (évitez toutefois d’être trop proche pour ne pas recevoir le moindre coup de manette perdu).
Cette question du spectateur s’est d’ailleurs posée chez les autres acteurs de la réalité virtuelle. Sony apporte sa pierre à l’édifice avec le titre Playroom VR. Ce jeu propose un gameplay asymétrique : un joueur avec un casque, les autres aux manettes. Les différentes expériences de Playroom VR sont idéales pour jouer en famille ou entre amis et permettent de profiter de la réalité virtuelle à plusieurs.
Streamception // le streaming via VR pour immerger le spectateur
Nous sommes donc passés d’un spectateur “exclu” du jeu à une position plus hybride mixant réalité et virtuel. Attention, la prochaine étape risque de nous emmener encore plus loin.
Vous vous souvenez de la photo de Mark Zuckerberg passant devant les journalistes avec l’oculus ? Elle préfigure peut-être la façon d’assister à une finale de LoL dans le futur.
La toute jeune entreprise VREAL se présente comme la première plateforme de streaming de réalité virtuelle. Elle offre la possibilité de regarder vos jeux préférés, sans imposer les limites du streaming évoquées plus haut (aujourd’hui, il appartient aux développeurs des jeux d’implémenter la solution de VREAL). Cette fois, le spectateur doit se doter d’un casque de réalité virtuel. Il est ensuite projeté à l’intérieur du jeu et peut suivre chaque mouvement, se déplacer, zoomer. Il peut même interagir avec d’autres spectateurs. Placez-vous au cœur du champ de bataille de votre MOBA préféré, observez du dessus ou placez-vous aux côtés du joueur… Imaginez les opportunités que cela représente pour les streamers, les commentateurs, les joueurs finalement capables de partager une expérience immersive.
La réalité virtuelle n’a pas fini de poser des questions, celle de l’isolement du joueur et de son lien avec le réel seront sans doute l’une des plus centrales. C’est pour cela que la place du spectateur doit évoluer en même temps. L’objectif n’est pas seulement d’offrir un divertissement “regardable” au public de jeu vidéo mais de maintenir ce lien entre le joueur et le spectateur qui fait du jeu vidéo un sujet de partage et non une activité solitaire.
Sélection “pour aller plus loin”
Un test du streameaning virtuel par VREAL (en anglais)
Une autre approche de la “réalité mixte” (en anglais)
Expérience de réalité mixte par HTC et Steam :