Perturbation de l’horloge biologique humaine, risque de dégradation irréversible de la rétine… On ne peut plus fermer les yeux sur les méfaits de la lumière bleue, caractéristique de la technologie LED. S’il n’est pas question de paniquer, des précautions s’imposent.
En raison de leur sobriété énergétique, les diodes électroluminescentes, ou LEDs, se répandent partout : dans l’éclairage que nous allumons, dans les petits et grands écrans que nous regardons, dans les phares des voitures que nous conduisons… Mais ne représentent-elles pas un danger pour nos yeux et plus généralement pour notre santé ?
Cette question a ressurgi il y a quelques mois, après la publication d’un rapport de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Cet établissement public avait déjà émis un avis en 2010 et, saisie à nouveau par plusieurs autorités administratives, a approfondi le sujet.
Le document, long de plus de 400 pages et aboutissement de quatre années d’analyse, fait l’inventaire des connaissances scientifiques actuelles sur les effets sanitaires liés à l’exposition aux éclairages ou rétro-éclairages à base de LED. Les experts réunis par l’Anses décrivent les effets possibles causés par la capacité d’éblouissement des LEDs, leur modulation temporelle (papillotement, effet stroboscopique ou de réseau fantôme) ou encore leur impact sur la faune et la flore.
Mais l’expression « lumière bleue », mentionnée dès la deuxième page, est celle qui retient le plus l’attention, tant ses effets réels ou supposés ont fait l’actualité ces dernières années. Pour rappel, les LEDs ont une distribution spectrale caractéristique et produisent une lumière proportionnellement plus riche en bleu qu’autrefois les lampes à incandescence, pour lesquelles les teintes jaunes et orangées prédominaient.
Dérèglement de l’horloge biologique
Ce « déséquilibre » spectral – bleu en excès et rouge déficitaire – est potentiellement nocif à plusieurs titres, d’après les conclusions du rapport.
En premier lieu, il dérègle notre rythme circadien, imprimé dans nos gênes par la succession du jour et de la nuit tout au long des milliers d’années de notre évolution. Les longueurs d’onde situées à 480-490 nanomètres (bleu turquoise) inhibent la sécrétion de la mélatonine, l’hormone qui favorise l’endormissement et le maintien d’un sommeil réparateur.
C’est un fait avéré aujourd’hui, selon l’Anses, et le risque sanitaire est élevé, bien que celui-ci ne puisse être quantifié précisément. Les enfants, les adolescents et les jeunes adultes de moins de 20 ans, dont le cristallin est plus transparent que celui des adultes, sont les plus vulnérables.
La phototoxicité oculaire est une autre menace propagée par cette lumière «bleuie», ces longueurs d’onde étant plus courtes et donc plus énergétiques. Car les cellules rétiniennes s’altèrent sous l’action d’une lumière riche en bleu, intense et aiguë (exposition inférieure à 8 heures). Une exposition chronique contribue également à l’apparition de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge). Là encore, les plus jeunes font partie des populations les plus sensibles, de même que les personnes souffrant de pathologies oculaires (œil sec, DMLA, glaucome…).
Selon l’Anses, les LEDs décoratives, même à faible intensité, augmentent l’exposition à cette bande lumineuse phototoxique. Concernant les écrans, on lit par ailleurs que, « en raison du manque de données sur les effets chroniques d’une exposition à la lumière froide à faibles doses (écrans par exemple), le niveau de risque associé à une exposition chronique à des LEDs riches en bleu ne peut être évalué à ce jour ». Ce qui ne signifie pas que ce risque n’existe pas, bien entendu…
Le bleu requis pour faire du blanc
Ne serait-il pas préférable de concevoir des LEDs au spectre lumineux plus équilibré ?
Certes, mais une LED bleue est une source de lumière blanche simple et économique quand elle est combinée à un matériau approprié qui modifie le spectre lumineux final. « On ajoute une dose de photophore, en l’occurrence du phosphore, qui absorbe une partie de la lumière bleue et la convertit en jaune orangé, explique François Templier, ingénieur au CEA Leti. L’œil humain perçoit alors une lumière blanche. Afin que la conversion fonctionne, une grande énergie est requise, ce qui implique l’utilisation de longueurs d’onde courtes, donc bleues. Pour ce type d’usage, les LEDs à base de nitrure de gallium (GaN) sont très efficaces, car elles consomment peu de courant électrique. C’est important d’un point de vue écologique. »
Ce procédé a été une invention majeure pour satisfaire la production à l’échelle industrielle de LEDs pour l’éclairage et le rétroéclairage. Il existe d’autres types de LED et d’autres façons de créer un blanc pur (LED associée à des boîtes quantiques filtrantes notamment) mais le prix n’est pas toujours compatible avec les nombreuses applications contemporaines de la LED pour le grand public.
Pour limiter les effets liés à l’exposition aux LEDs, l’Anses a émis une série de recommandations, visant notamment à mieux informer le public : préférence pour les éclairages de couleur chaude (température de couleur inférieur à 3000 kelvins) avant le coucher et pendant la nuit, importance de renforcer le contraste lumineux entre le jour et la nuit en augmentant l’exposition à la lumière naturelle en journée… L’agence alerte également sur l’efficacité « très disparate » des moyens de protection contre les effets néfastes des LED, comme les lunettes anti-lumière bleue.
Les moniteurs informatiques eux-mêmes sont épinglés, ou plus exactement les services marketing des fabricants : « Pour les écrans testés revendiquant une limitation de l’émission de lumière bleue, aucune efficacité réelle n’a été observée ». Quel que soit le type d’écran, la meilleure parade contre un risque éventuel consiste à baisser la luminosité et à opter pour une température de couleur blanc chaud. Il en va de même sur les smartphones. Facile… et gratuit !