On commence à connaître la chanson : cette année, la réalité virtuelle va percer. Half-Life Alyx pourrait en effet (re)lancer la machine. Mais d’autres conditions sont à réunir – simplicité, interopérabilité – pour que la VR soit pérenne.
L’année 2020 va-t-elle enfin consacrer la réalité virtuelle et lui donner une place de choix dans l’attirail du gamer ? Voici la question récurrente qui surgit une fois l’année précédente achevée… et certains espoirs déçus. Avec le recul en effet, la « virtual reality », ou VR, n’a toujours pas « cassé le game » en 2019.
A priori, les chiffres sont pourtant encourageants. D’après une étude d’Idate parue en novembre dernier, quelque 330 000 casques auraient été vendus en France en 2019 (il s’agissait à l’époque d’une prévision). D’une année sur l’autre, les ventes ont fait un bond de 65%.
Cependant, l’étude en question regroupe les marchés professionnel et grand public, sans distinction. Or, la clientèle professionnelle pèse de plus en plus : les applications (formation, design, conception, aide à la vente, etc.) se sont multipliées dans l’industrie manufacturière, le secteur de la santé ou encore l’immobilier. Sans oublier les salles d’arcade, où la VR prend de l’importance.
Un succès… timide
Mais il est indéniable que la demande du grand public progresse. Lors du CES, Sony Playstation a par exemple annoncé que cinq millions de casques PS VR ont été écoulés dans le monde depuis 2016. D’après les estimations de Superdata Research, 400 000 casques Oculus Quest ont trouvé preneur depuis la commercialisation en mai dernier.
Les plus optimistes verront le verre à moitié plein et parleront de succès d’estime. Les autres feront la comparaison entre le nombre de PS VR vendus… et le parc de plus de 100 millions de PS4 installées dans les foyers.
Factuellement, le casque VR demeure un équipement marginal, qu’il fonctionne avec une console, un PC ou de manière autonome, comme l’Oculus Quest. Son implantation n’est pas aussi rapide que l’espéraient Sony Playstation, Facebook, HTC et consorts.
Quels seraient alors les ingrédients nécessaires au véritable décollage de la VR ?
Pour commencer, peut-être manque-t-il des « killer apps », capables de susciter l’adhésion sans retenue du gamer, notamment le plus exigeant. Le catalogue des jeux honorables – et même bons – grossit, il est vrai : Astrobot en 2018 et Blood and Truth l’an dernier, l’un et l’autre sur Playstation 4, Stormland pour l’Oculus Rift, Boneworks disponible sur Steam depuis décembre dernier pour tous les casques compatibles PC…
Au moins ces jeux ressemblent-ils à des jeux et ne sont pas de simples expériences immersives. Mais aucun n’a marqué les esprits, au point de se rendre indispensable, ou n’a provoqué un engouement comparable à celui de Pokemon Go, étendard de la réalité augmentée sur smartphone.
Half-Life Alyx s’annonce comme un titre spectaculaire tirant profit des particularités de la VR, qui a besoin de projets aussi ambitieux pour faire son trou.
C’est la raison pour laquelle Half-Life Alyx est attendu au tournant ce printemps, sur PC et Steam. En leur temps, Half-Life 1 et 2 ont posé des jalons dans le genre FPS et Valve a semble-t-il mobilisé beaucoup de moyens pour développer Alyx. Paper Beast, le nouveau titre d’Eric Chahi prévu pour la PS4, pourrait également confirmer l’intérêt ludique de la VR.
L’investissement est l’autre frein majeur, voire le principal, à l’adoption de la VR. Par exemple, le kit complet Valve Index, incluant le casque, les contrôleurs, les stations de base et le jeu Alyx à sa sortie, coûte 1079 €. Tout le monde n’est pas prêt à débourser une telle somme, qui équivaut au prix d’un bon PC. Et il faut justement un PC puissant pour produire les images 3D qui sont le socle de la VR. Ce qui a aussi un coût…
Faible concurrence, faible émulation
Les prix pourraient baisser si la concurrence jouait son rôle, mais celle-ci se résume à quelques protagonistes, dont Oculus (Facebook), HTC, Valve et quelques industriels du monde PC (Acer, HP, Lenovo…). Ces derniers, comme HTC, se tournent de plus en plus vers les professionnels, toutefois. A l’instar de Microsoft, qui a pris le parti de la réalité mixte (des hologrammes 3D incrustés dans le champ de vision) avec ses lunettes Hololens.
Apple miserait pour sa part la réalité augmentée. De son côté, Google a mis fin à Google Daydream, son studio dédié à la VR, et ne mentionne guère cette technologie pour accompagner son offre Stadia, bien que des rumeurs bruissent quant à la conception d’un casque VR spécifique. Ces « capitulations » ou retournements de veste obscurcissent l’horizon ludique de la VR…
Dernier point d’achoppement : les aspects pratiques et techniques souvent discutables. Un casque VR peut être lourd et provoquer à la longue de la fatigue visuelle, ou indisposent les personnes les plus sensibles à la cinétose. L’amélioration générale des fréquences de rafraîchissement (si possible au-dessus de 90 Hz) tend à atténuer le phénomène, heureusement.
Certains modèles demandent de plus d’installer et de calibrer des bases, servant au repérage de l’espace et des mouvements. Fastidieux… Là encore, des perfectionnements récents, comme le « spatial computing » avec l’aide de caméras embarquées, permettront à terme de remplacer ces équipements. C’est ce que tente de faire Oculus notamment : les mouvements des mains seraient analysés par les caméras, plus par les contrôleurs. On souhaite également que la liaison sans fil avec le PC ou la console finisse par se généraliser.
Mais la VR a aussi remonté la pente grâce aux premiers modèles complètement autonomes comme le Quest d’Oculus (voire le Go) et le Focus de Vive : l’investissement est moindre pour une plus grande simplicité d’utilisation mais… moins de puissance !
À quand l’interopérabilité ?
L’interopérabilité, enfin, ne serait-elle pas salutaire ? Difficile d’acheter un casque Valve Index, en sachant qu’il ne sera compatible qu’avec le PC et Steam… et probablement pas avec les prochaines consoles Playstation ou Xbox. Et vice-versa, si jamais l’hypothétique PSVR 2 devient réalité. A ce stade là, c’est presque de l’obsolescence programmée.
Des subterfuges existent, comme Revive, pour jouer à des jeux estampillés Oculus sur les Vive d’HTC ou le Valve Index. Mais c’est loin d’être suffisant. Aussi sophistiqué soit-il, un casque VR n’en reste pas moins un équipement audiovisuel. Si jamais il fallait sélectionner tel écran de telle marque pour pouvoir jouer sur telle plateforme (PC ou console) – on parle bien de pouvoir jouer, pas de le faire dans des conditions optimales – on ne serait pas sorti de l’auberge.
Les fabricants et éditeurs de jeu vidéo impliqués dans la VR ont peut-être intérêt à former une alliance pour fixer un cadre un peu plus normatif. Bien que la technologie soit encore jeune, elle doit mûrir assez rapidement pour rassurer puis convaincre le gamer. Faute de quoi, elle échouera. Les mots d’ordre ? Simplification et standardisation.