Intel : une roadmap 2021 chargée mais floue

Déstabilisé par la percée d’AMD sur le marché des PC de bureau et la menace de l’architecture ARM, Intel va vivre 2 à 3 années charnières. Pour l’instant nous limitons l’horizon à 2021 et revenons sur les règlements de compte, les projets, les ripostes. Le grand bleu a bu la tasse, mais il est loin d’avoir coulé.

Une fois n’est pas coutume, nous allons commencer par la partie potins mondains. Alors oui, Intel est dans la tourmente à cause de lacunes en R&D. Vous le savez, tout tient en 1 mot : nanomètres. Alors qu’AMD exploite une finesse de gravure en 7 nm et lorgne vers le 5 nm, Intel campe sur le 14 nm et descend à 10 sur certaines gammes. Or, l’intérêt de graver toujours plus fin est soit d’augmenter les performances ou de diminuer fortement les coûts à performances égales.

Depuis le début de cette année, AMD est de nouveau leader sur l’équipement des PC de bureau (50.8 % de part de marché selon Passmark), une première depuis plus de 15 ans. Il s’attaque désormais au portable où Intel reste pour le moment très largement majoritaire (85% de pdm), mais pour combien de temps ?


Bob Swan, le PDG d’Intel, a donc été cordialement invité à dégager, remplacé par Pat Gelsinger, un ancien de la maison à l’initiative notamment du processeur 80486 et dont le profil d’ingénieur rassurera sans doute les actionnaires. Il est en outre l’un des membres fondateurs de Transforming the Bay With Christ qui ne manquera certainement pas de convertir ces mêmes actionnaires priant déjà le Saint-Patron Dollar qu’Intel réduise enfin sa gravure.     

Encore un tigre dans le moteur…

Alors certes Intel n’est pas au mieux, mais il ne faut pas vendre la peau du tigre avant de l’avoir tué. En ce début d’année, la firme de Santa Clara annonce la sortie des Tiger Lake H35 destinés aux portables gaming et capables de monter à 5Ghz en mode turbo sur un seul cœur.

Pourquoi 35 ? Il s’agit tout simplement du TDP s’étalant de 28 à 35W pour ces processeurs gravés en 10 nm. Dotés de 4 cœurs et 8 threads, son plus fier représentant, le i7-11375H Special Edition, est capable notamment d’assurer du 70 ips en 1080p sur un ultraportable de 14 ou 15 pouces.

On se permet d’appuyer sur le terme Ultraportable, donc pas un transportable de 3 kg impossible à rentrer dans le coffre de votre break, mais bien un ordinateur qui glisse facilement dans le sac à dos sans vous ruiner une épaule. Évidemment ce processeur équipera aussi des modèles plus massifs et puissants pour gamer, mais le pari de l’ultraportable est séduisant. Certains pourront enfin jouer dignement avec leurs PC professionnels.

…Et quelques rockets à lancer !

Concernant les ordinateurs de bureau, Intel reste donc sur du 14 nm mais dégaine sa gamme Rocket Lake-S. Cette onzième génération de processeur aura comme chef de file le Core i9-11900K a priori capable de rivaliser avec le Ryzen 9 5900 X. Avec ses 8 cœurs et 16 threads, il gère le PCi4.0, et embarque un contrôleur mémoire capable de soutenir la DDR4-3200. Intel a été fier de présenter sur quelques jeux choisis des performances de 2 à 8% au-dessus de son concurrent.

Le fondeur en a donc encore sous le pied malgré les 14 nm, mais l’argument qui fera pencher la balance pour l’un ou l’autre sera davantage à chercher du côté du prix et de la disponibilité. Le reste de la gamme, du Core i3 au i7 se décline en version K (overclockable), F (sans iGPU) et KF (overclockable, mais sans iGPU !). Pas mal de modèles et un virage pour le fondeur puisqu’il passe de l’architecture Skylake à Cypress Cove, mais cette gravure à 14 nm reste une balafre. La gamme sera lancée au second trimestre 2021, a priori dès le mois de mars. Toutefois, Alder Lake, la 12ième génération semble pointer le bout son transistor d’ici la fin 2021 pour portable mais aussi pour PC de bureau. Le Rocket Lake S a donc tout d’une génération sacrifiée en attendant la suivante. 

Le Rocket Lake-S améliore l’IPC (instruction par cycle) de 10 %, prend en charge le PCie 4.0, la DDR4-3200 et un iGPU Xe-LP capable de gérer jusqu’à 3 affichages 4K 60 Hz.   

La riposte Alder Lake-S au second semestre

Apple a frappé un grand coup avec ses puces M1. Non seulement il prouve à Intel et AMD qu’il est possible de ne pas opposer puissance et autonomie, mais en plus il ringardise, sur les produits à la pomme, l’architecture X86 au profit de l’ARM déjà très présente dans nos appareils mobiles.

Qu’à cela ne tienne, Intel a présenté une gamme Alder Lake qui, sur le papier, pourrait investir le pré carré des puces M1 d’ici le mois de septembre. En effet, Intel adapterait l’idée de deux systèmes de cœurs, l’un dédié à la performance et l’autre à l’économie de ressources. Il resterait toutefois sur une architecture x86, ce qui éviterait aux développeurs de rendre leurs logiciels compatibles avec ARM, la seule, mais énorme faille de cette puce M1.  


Malheureusement, les puces Alder Lake resteront sur une architecture 10 nm, alors que celle des MAC est deux fois plus fine. De plus, Microsoft continue à lorgner du côté de l’ARM pour son système malgré l’échec cuisant sur Surface. Nous sommes encore loin d’un changement d’architecture, mais Intel commence à sentir souffler le vent du boulet.

Intel se lance sur le marché des cartes graphiques. L’iGPU Iris Xe n’a pour le moment pas convaincu, même s’il y a un fossé avec les précédents iGPU. Les premiers retours sur les GPU sont, eux, plutôt mauvais.

Quid du 5 NM, voire du 3 nm ?

Repartons sur le terrain des potins, ou plutôt des rumeurs. Il semblerait qu’Intel vise l’externalisation de certaines de ses productions, notamment sur la partie carte graphique. Le géant du semiconducteur TSMC serait le sous-traitant sollicité. Il n’en serait pas à leur première collaboration puisque le Taiwanais produit déjà quelques processeurs d’Intel, notamment les Atoms. On pourrait donc aussi voir arriver des processeurs Intel en 5 nm avant la fin 2021, mais sur des produits en dehors de l’architecture Alder Lake. Ce qui ajouterait encore une bonne dose de flou sur une gamme déjà peu claire.


Peut-être avez-vous tiqué en lisant qu’Intel allait externaliser la production de ses cartes graphiques ? Ce n’est pas une coquille, des GPU pour PC de bureau, les Iris Xe DG1, vont voir le jour, pour le moment dans quelques modèles de chez ASUS. Ça ne vise pas le marché gaming et les premiers retours sont pour l’instant très mitigés… Des GPU haut de gamme sont aussi assurément attendus ces prochains mois, mais aucune annonce officielle n’a été faite. Intel a donc montré en ce début d’année qu’il avait des cartes en mains, reste à savoir s’il s’agit d’un carré d’as ou d’une paire de deux…