Le graphène va doper nos batteries

Nano-matériau aux qualités immenses, le graphène s’apprête à allonger l’autonomie de nos smartphones et à raccourcir le temps de charge de la batterie. Samsung serait le premier sur les rangs, peut-être dès l’an prochain.

A une époque où les téléphones portables ne s’appelaient pas encore smartphones, leur autonomie, qui courait sur plusieurs jours, n’était pas vécue comme une problématique majeure. Les temps ont changé : beaucoup se plaignent aujourd’hui que la batterie soit à plat au bout d’une journée à peine. Il est vrai que nos téléphones de poche actuels ont acquis un nouveau statut : ils embarquent un écran de grande taille, communiquent à tout va et sont d’une polyvalence telle que l’on s’en sert partout et pour tout. Dans le même temps, ils sont d’une minceur et d’une légèreté affolantes, ce qui se répercute sur la taille de la batterie et donc sur leur endurance. C’est une affaire de compromis.

Sauf à changer radicalement l’aspect du smartphone ou à l’amputer de ses fonctionnalités, ce qui paraît inimaginable à court terme, les améliorations portent sur l’efficacité énergétique des composants et sur les performances de la batterie elle-même. Concernant cette dernière, les enjeux sont d’augmenter la densité énergétique, c’est-à-dire la quantité d’énergie stockée par unité de masse, d’accentuer la tension électrique, de diminuer les risques d’emballement thermique, etc.

Recharge ultra-rapide

La technologie qui s’est imposée dans les smartphones est basée sur le Lithium-Ion. Apparue dans les années 90, elle offre aujourd’hui une densité supérieure à 200 Wh/kg et, entre autres qualités, n’est pas autant affectée par l’effet « mémoire » (diminution de la capacité nominale) que d’autres technologies, comme le Nickel-Cadmium. Le procédé se perfectionne continuellement, grâce à l’utilisation de nouveaux matériaux en particulier.

C’est le cas du graphène, qui a fait l’actualité l’an dernier quand des chercheurs de Samsung ont publié leurs travaux, indiquant que des batteries Li-Ion « dopées » au graphène bénéficieraient d’une densité énergétique supérieure (+ 27%) et d’un temps de recharge réduit à quelques dizaines de minutes. On ne parle pas d’une innovation qui sera industrialisée dans plusieurs années… mais peut-être dès l’an prochain, selon des sites d’information dans la confidence du fabricant coréen.

Le graphène se compose d’atomes de carbone, dont l’organisation cristalline est bi-dimensionnelle. Une spécificité qui lui confère des propriétés intéressantes.

Mais pourquoi le graphène et comment agit-il ? Avant de poursuivre, il est conseillé de comprendre les grands principes d’une batterie, ou accumulateur. La littérature Internet est relativement abondante sur le sujet, et la vidéo ci-dessous éclaire de façon ludique et limpide le fonctionnement des piles et accumulateurs. Un accumulateur Li-Ion se distingue par sa composition : la cathode contient du lithium et des oxydes de cobalt (ou des oxydes de manganèse, du nickel-manganèse-cobalt…), tandis que l’anode est très souvent constituée de graphite.


Les deux compères de « C’est pas sorcier », as de la vulgarisation scientifique, explique le fonctionnement des piles et accumulateurs. La technologie Li-Ion est décrite vers la fin de la vidéo.

Schématiquement, les ions lithium (Li+) affluent d’une électrode à l’autre en traversant l’électrolyte, selon que l’accumulateur soit dans un cycle de charge ou de décharge. Les électrons migrent dans le même sens, mais dans le circuit extérieur cette fois, ce qui crée ce fameux courant électrique qui alimente nos précieux smartphones quand la batterie se décharge.

Le graphène ne modifie en rien ces fondamentaux et s’applique juste sur les électrodes. C’est une forme cristalline particulière du carbone, en deux dimensions, qui peut être produite à partir de l’exfoliation du graphite. Ce sont ses propriétés qui sont très prometteuses dans beaucoup d’applications, dont le stockage de l’énergie. Sa stabilité chimique pourrait améliorer la longévité des accumulateurs et son excellente conductivité électrique accélèrerait les opérations de recharge, sans échauffement excessif. D’autre part, l’extrême finesse des « feuilles » de graphène peut faciliter le transfert des ions lithium. La capacité de la batterie s’en trouve renforcée et la durée de la charge se raccourcit.

Boules de graphène et pop-corn

En pratique, le graphène est un nano-matériau qui ne se fabrique pas et ne se manipule pas aisément. Dans la méthode brevetée par Samsung, les chercheurs, osant une comparaison avec le pop-corn, ont réussi à faire pousser des boules de graphène. Celles-ci ont l’avantage de revêtir uniformément la cathode, enrichie en nickel, et composent l’anode. Résultat, l’interface entre la cathode et l’électrolyte gagne en stabilité et la conductivité électrique des électrodes progresse sensiblement. La batterie est plus performante – une autonomie doublée selon Samsung – se charge plus rapidement (on évoque une vingtaine de minutes) et sa capacité serait encore de près de 80% au bout de 500 cycles de charge/décharge.

La batterie externe Apollo emploie le graphène et se recharge en une demi-heure.

Le graphène est l’objet de nombreux travaux scientifiques dans le monde et n’est heureusement pas une exclusivité de Samsung, seulement la méthode décrite plus haut. Par exemple, la batterie externe Apollo d’Elecjet, largement financée depuis cette année sur Indiegogo, en fait déjà l’usage. Des tests indépendants démontrent qu’elle se recharge en une demi-heure. L’avenir du graphène se précise donc. Devenu moins coûteux à produire, il sort peu à peu des laboratoires et investit la filière de la voiture électrique, celle du smartphone, et bientôt beaucoup d’autres. Nos prises électriques vont-elles finir par s’ennuyer ?