Même si l’esport est derrière elle, avec quelques faits d’arme qui la placent dans le gratin des gameuses françaises, Maylie est restée une guerrière. Bercée par la compétition, la jeune femme a su évoluer pour devenir une streameuse passionnée et très proche de sa communauté. Des caractéristiques et une personnalité qui nous ont séduit et amené à devenir son partenaire. À vous de la (re)découvrir maintenant !
Matblog : On comprend mieux les gens quand on connaît leur parcours. Le tien est riche entre esport et streaming…
Maylie : Esport et streaming ce sont deux métiers différents mais où tu dors très peu. Comme partout, quand on est passionnés, on ne compte pas ses heures. Mais depuis que j’ai arrêté l’esport, j’ai un peu plus de vie.
M : Peux-tu nous décrire ton parcours ?
Maylie : Il y a plus de 10 ans, je me suis lancée dans l’esport. J’avais alors 16 ans environ et j’ai eu mon premier PC sur lequel je me suis très vite mise à CS 1.6. Je suis quelqu’un qui aime la compétition et vit dans un environnement qui pousse à cela avec quatre frères. Après 6-8 mois d’entrainement, je suis devenue compétitive et j’ai commencé les LAN. Ce n’était tellement rien à l’époque, je dois être née trop tôt ^^
J’ai ensuite fait une pause pour me remettre dans les études. Je me demande encore si c’était une erreur car j’aurais peut-être pu faire mieux. Mais je voulais un bagage pour être tranquille car on ne vivait pas de l’esport. On faisait beaucoup de Try hard mais il n’y avait rien à gagner, que de la passion.
Et avec les années, on devient moins vive. J’avais fait mon temps et je me suis tournée vers le streaming.
M : Comment fait-on à cet âge pour atteindre et entretenir un tel niveau ?
Maylie : On fait ce qu’il ne faut pas faire ^^ J’allais moins en cours mais je ne le conseille pas. C’est pour ça qu’à un moment je me suis empêchée de jouer à des jeux en mode compétition et me suis tournée vers LoL, WoW… des jeux que j’aime mais sans l’aspect esport.
J’ai repris les jeux compétitifs vers 19 ans, avec CS:Go. Cela coïncide avec mon déménagement. Je venais de quitter Paris pour les Landes après une décision de mon père qui partait à la retraite. Difficile à accepter au début quand tu es née à Paris mais je le remercie maintenant. La reprise a été dure car toutes les équipes étaient formées. J’ai délaissé du coup CS d’autant qu’il y avait un clivage homme/femme très fort.
M : Pourquoi donc ?
Maylie : C’est un vieux jeu qui avait gardé de vieilles mœurs. Les mentalités n’étaient pas celles de maintenant. Les femmes deviennent compétitives plus tard et il y a peu d’équipes féminines et ce malgré l’ouverture internationale. Encore aujourd’hui, on n’investit toujours pas autant dans les femmes que dans les hommes pour lesquels on considère que c’est un métier. Même si les femmes sont payées, ce n’est pas égal.
Cela a évolué avec Fortnite car c’est rapidement devenu le jeu du moment et il était impossible pour Epic de séparer hommes et femmes comme sur CS : il aurait fallu trouver 100 femmes pour remplir une map ! Et puis ce n’est pas leur politique.
M : Tu as réussi à briser ces barrières avec d’excellents résultats et à intégrer une équipe, Oserv. Comment cela s’est passé ?
Maylie : Ce fut un hasard, une chance. J’étais la première femme à être prise en test. Certains joueurs ont même refusé de jouer avec moi, la suite fut une belle revanche ! Mais j’ai la chance d’avoir du recul de par mon âge. Mais pour les plus jeunes femmes… On parle souvent technique, skill mais l’aspect psychologique et physique est important.
M : C’est vrai que tu es une vraie guerrière. C’est quelque-chose que tu as travaillé ?
Maylie : Non, c’est naturel. Entre la vie à Paris et mes grands frères… c’est ma personnalité.
M : Revenons sur la bascule du gaming au streaming…
Maylie : J’ai beaucoup réfléchi avant de prendre sa décision, ce ne fut pas un coup de tête. J’ai pris la « carte de ma vie » et je voyais bien qu’en termes esport j’étais au maximum si je continuais à streamer. On ne peut pas faire les deux ou alors on régresse. Car en stream, tu ne travailles pas les mêmes choses, tu es plus distrait. Donc soit on anime et on trouve des revenus, soit on fait du esport à 100% mais ça ne paie pas.
M : Et donc le stream te permet d’assurer ta vie perso ?
Maylie : C’est correct. Je ne suis pas celle qui a le plus de succès mais ça me suffit. Si je peux vivre de ma passion, ça me va et c’est le cas aujourd’hui. J’ai parfois des mois difficiles et d’autres très bons. Et puis je donne des cours en ligne sur Gaming.school. J’ai même fait des cours particuliers, cela payait mais j’y reviendrais plutôt en fin de carrière car si je coache, je ne ferais que ça.
M : Si tu devais retenir un moment de ce parcours de pro gameuse ?
Maylie : La Gamers Assembly 2018 que j’ai gagnée. C’est l’événement qui chamboule une vie. C’était une époque où j’allais à la fac de philo tout en m’occupant de mon père malade. Je faisais alors un peu de compétition sur H1Z1 car je restais beaucoup à la maison. Je ne savais pas jouer à Fortnite et c’est à ce moment-là que je m’y mets. Je m’entraine, j’y crois et un mois après, je me retrouve dans l’équipe Oserv et c’est la victoire ! Ce fut une satisfaction énorme.
Je me suis alors dit « ça y est, j’ai mon ticket pour l’esport ». J’étais la première femme à gagner un tournoi mixte en France. Qui plus est avec des mates que je connaissais depuis 24h ! C’était irréel et la suite pas attendue : interviews avec Canal Esport Club, ES1… Wow ! Ce fut violent. Rien qu’à l’annonce avec tout le monde qui m’entourait, j’avais envie de rentrer chez moi. J’étais fatiguée, à côté de mon corps, mais c’est moi que les médias voulaient car je suis une femme…
C’est cool de contribuer à l’essor des femmes dans le jeu vidéo mais en même temps ce n’est pas normal. J’ai envie de pousser les jeunes joueuses et j’ai plein de messages réconfortants à ce sujet. Tu as l’impression de servir à quelque chose, d’être un flambeau. Et en même temps, cela me fait suer, j’ai beaucoup de mal à gérer ça.
M : Revenons sur Oserv, l’équipe avec laquelle tu étais en contrat et avec qui cela s’est terminé…
Maylie : Je n’avais pas de contrat, c’est une association. Je n’ai pas été payée comme une joueuse pro même si j’y suis restée 8 mois.
Moi, je suis loyale et droite et il y a eu beaucoup d’hypocrisie. Mes coéquipiers m’avaient quitté après la GA, sans que je comprenne pourquoi. Je voulais donc quitter Oserv mais eux ne voulaient pas. Je découvre alors qu’on se servait de moi. J’étais la vache à lait et à l’époque, je « mangeais des cailloux ». Mais c’est le passé.
M : Désormais tu es indépendante et plus dans l’esport…
Maylie : J’ai continué l’esport quelques temps après. Mais j’aime le squad, c’est mon truc, je ne suis pas très duo sur Fortnite par exemple. Et j’avais envie de stream. Maintenant, je suis à fond dans l’animation. Ce n’est pas ma nature mais je travaille dessus. J’ai encore des réflexes à penser performances, performances, performances… Et puis j’ai une communauté très soudée, ça fonctionne bien.
M : Tellement soudée que tu les convie parfois à vous rencontrer, la dernière fois dans une auberge. Raconte-nous un peu ça ?
Maylie : À un moment, j’avais 200 subs extrêmement fidèles et en rigolant je sors « à 500 subs, je vous propose un Week-end de trois jours ensemble ». Trois jours plus tard, c’était fait et quelques mois après, nous louions un gîte pour plus d’une vingtaine de personnes. On doit le refaire mais la PGW nous a amené à repousser. On verra ça aux beaux jours.
Je fais aussi beaucoup de rencontres sur Bordeaux, où je vis. Si je pouvais faire plus, investir dans un staff… Aujourd’hui, j’ai une dizaine de personnes qui m’aide et un cœur de communauté de 30 à 50 personnes qui me font vivre. Je veux les remercier et rester dans un cocon familial. Je ne pourrais pas gérer la notoriété des gens les plus connus du milieu, ce n’est pas simple. Trinity et Kayane ont réussi à avoir une grande carrière en restant ce qu’elles sont, j’ai beaucoup de respect pour elles, elles représentent bien les femmes.
Trinity m’avait dit : « Evite de regarder tes stats ». Je suis 100% d’accord avec ça. Ce milieu va vite et certains peuvent rapidement connaître la dépression. Évidemment, avec des marques en partenaires, ce serait plus intéressant mais je ne suis pas un objet marketing. On ne choisit pas son sponsor par le chèque.
M : tu nous tends la perche… Pourquoi et comment ce partenariat avec nous alors ?
Maylie : À l’origine, cela découle d’un incendie dans mon appartement qui touche aussi mon PC. Un ecommerçant français me démarche et l’on commence à discuter. Les réponses sont lentes et je ne sentais pas vraiment d’intérêt de leur part. Malgré une proposition, au bout de 6 mois, je refuse.
C’est à peu près à ce moment-là que se tient la PGW. Yannou, Sackzi et Wendy m’avaient parlé de leur partenariat avec vous et je suis donc venu vous voir. Au culot, j’ai alors expliqué mes besoins et cela a accroché de suite ! Nous avons beaucoup échangé avec Julie (notre chargé de partenariat, NDLR) et tant d’un point de vue personnalité qu’approche communautaire, cela a matché.
Je suis donc très très satisfaite, c’est un truc de fou ! Il n’y a jamais de chichis et même si cela reste une relation « commerciale », vous faites preuve de beaucoup d’ouverture aux projets.
M : Tu es donc équipée d’un PC Hellfire dans lequel tu as greffé ta propre carte graphique. Le Hardware c’est quelque chose qui te parle ?
Maylie : Pas du tout. On m’avait offert ma 2080 Ti suite à une opé sur Bordeaux où j’avais bien accroché. Aujourd’hui, tout fonctionne toujours très bien, aucun souci.
M : Même si tu stream beaucoup de Fortnite, tu as joué ou joue encore à de multiples titres, parfois très différents. Quel regard as-tu sur les jeux du moment et qu’attends-tu à l’avenir ?
Maylie : C’est vrai que je fais pas mal de Fortnite mais comme tout le monde, je commence à être lassée. Heureusement que je ne fais plus de compétition ! Quoique, avec Rocket League, ça pourrait m’amener à en refaire. C’est un jeu manette, je suis une quiche mais bien entourée ^^ Mais cela nécessite du temps, je dirais qu’il faut 2000h de jeu pour être bon et 5000 pour passer pro.
C’est le jeu le plus dur auquel j’ai joué, il faut beaucoup de skills et bien prédire les trajectoires, les effets… c’est beaucoup de maths ! En plus, il est très sympa à streamer car comme c’est rapide, je peux aussi discuter. J’aime bien aussi brawlhalla.
Je choisis aussi mes jeux pour la communauté, c’est pour ça que je fais 2-3h de Fortnite par jour. C’est aussi un travail le stream et il faut que ça plaise même si je peux faire du WoW avec 16 viewers. Mais je ne joue plus hors stream et fais surtout participer les abonnés avec des duos découverte. Cela fait plaisir à tout le monde, moi compris car j’y fais des rencontres.
Je pense que l’on est toujours en plein ère du Battle Royale. J’attends la prochaine mais il faut des jeux à enjeux. Je pourrais aussi retourner sur H1Z1. Il y a aussi des jeux qui m’intéressent, comme Apex, mais qui ne font pas recette en stream.
M : Et pour les projets à plus long terme ?
Maylie : Je ne me projette pas, cela dépend des jeux. Avec le mode trio de Fortnite, je suis tentée de retrouver un bon niveau de compétition.
Et puis je suis en contact avec une grosse structure dont je ne peux dire le nom. Elle s’intéresse à l’humain et cela devrait se faire mais rien n’est signé. Le projet est sincère, il y a un bel état d’esprit et je pourrais y rester moi-même…