Nous tissons ici souvent des liens entre le jeu vidéo et d’autres formes artistiques. L’actualité a souligné combien ce rapprochement est parfaitement naturel : le 9 mars se tenait au Théâtre de la Madeleine les premiers Pégases du jeu vidéo, récompensant les productions françaises. Encore une tentative vaine s’était-on dit lorsque le SNJV, le Syndicat National du Jeu Vidéo, avait annoncé la création de ces « César » du gaming. Nous avions en partie tord… Mais en partie seulement.
C’est une bizarrerie que l’on regrettait. Loisir culturel le plus pratiqué, le jeu vidéo souffrait d’un manque de reconnaissance auprès du grand public. Alors comme on aime bien faire la « fête » (hum) et les cérémonies en France, diverses initiatives avaient fleuri pour récompenser les meilleurs jeux vidéos français mais pas seulement. De 1984 avec les Tilts d’or du magazine éponyme aux Pings awards de l’AFJV (Association française du jeu vidéo), les tentatives ont été multiples mais souvent loupées (voir l’excellent historique sur le sujet du non moins excellent William Audureau).
Alors quand un organe comme le SNJV annonce les Pégases d’or pour relancer la machine, le doute nous a envahi. Non parce que parler d’un chevalier de bronze qui n’est pas même pas le plus puissant pour honorer les meilleures production du jeu vidéo… Blague à part entre le ticket d’entrée payant pour les éditeurs (240€ néanmoins), le vote par une « académie des arts et techniques du jeu vidéo » composée d’environ 500 professionnels (mais où sont les joueurs ??), la catégorie et un nombre forcément limité de titres puisque uniquement centré sur la production française, cela sentait le pétard mouillé (ou le pet foireux, c’est selon).
Pourtant, après cette cérémonie, diffusée sur Twitch , l’espoir d’un véritable événement consacrant le jeu vidéo renaît. Alors certes, tout n’a pas été parfait. Si A Plague Tale s’est vu légitimement récompensé, récolter 6 Pégases sur 20 laissait à penser que la production française avait un petit air de désert. De plus, les blagues des présentateurs n’ont pas toujours fait mouche et le Pegase d’honneur à Yves Guillemot, grand nom de l’industrie mais surtout PDG et fondateur d’Ubisoft, a pu faire grincer des dents.
Une bonne base ?
D’un autre côté, le second Pegase d’honneur décernée à Jehanne Rousseau, à la tête du studio Spider – à qui l’on doit Greedfall – a fait du bien notamment parce qu’elle a appelé à une plus grande diversité dans le monde du jeu vidéo. Comme pour les César, le débat, voire la polémique, fait aussi le sel de ces cérémonies. Et sur ce point, les Pegase ont emprunté aux récompenses du cinéma mais (heureusement) en plus mesuré. Laurent Victorino, fondateur et développeur à Monkeymoon, appelé sur scène pour recevoir le prix du meilleur jeu indépendant (Night Call) a ainsi fait référence aux périodes de crush qui lessivent les équipes et que nombre d’éditeurs pratique – au contraire de Raw Fury qui a soutenu son équipe.
Au final, nous avons envie d’être optimiste quant au devenir de l’évènement. D’une part parce qu’en tant que joueurs nous avons envie que notre passion ne soit pas réduite à un amas de caricatures. D’autre part parce que cette première édition a montré justement que le jeu vidéo semble prêt à sortir justement du carcan dans lequel il a trop souvent été placé et a su éviter les écueils récents du cinéma. Une forme de maturité sans doute…