L’année 2018 devait être celle du changement. Tels des fans de séries en train de binger devant leur écran, nous devions accéder à une pléthore de jeux contre une petite contribution mensuelle. Une de plus, après Netflix, Spotify et tant d’autres. Pourtant la révolution n’a pas eu lieu.
Ne sont-ils pas taquins tous ces joueurs qui attendent des blockbusters pendant des mois et qui ensuite ne les finissent pas. Les bons AAA se vendent donc comme des petits pains, une partie de la scène indé se lèche les babines, l’industrie se goinfre grâce à des joueurs atteints d’une boulimie vidéoludique. En somme, le jeu vidéo ressemble à un festin rabelaisien dont l’abonnement serait la cerise sur le gâteau. Pourtant la recette du paiement mensuel semble un peu indigeste. Analysons les ingrédients.
The cherry on the cake
Xbox Pass : Microsoft jette un pavé dans la marre avec son offre à moins de 10 euros par mois pour une centaine de jeux dont des exclusivités mises en ligne au moment de leur sortie (Sea Of Thieves, State Of Decay 2, Forza Horizon 4). Pour l’instant le service est cantonné aux possesseurs de Xbox One sauf pour quelques titres estampillés Xbox Pass Anywhere et donc jouables sur Windows 10. Pratique pour jouer à moindre coût à Sea of Thieves ou Forza 4. Se concentrer sur un ou deux blockbusters et surveiller le marché de l’occasion reste plus économique.
PlayStation Now : Sony met dans la balance une partie du catalogue de ses trois dernières générations de console, soit plus de 500 jeux pour environ 15 euros par mois. Du Uncharted, Last Of Us, Ratchet and Clank et Red Dead Redemption sur un moniteur, voilà qui est convaincant notamment pour les joueurs PC qui peuvent y accéder. Si seulement il ne manquait pas God Of War, Horizon Zero Dawn et beaucoup d’autres… Que serait Netflix si leur proposition ressemblait à «10 € par mois, mais les séries Marvel et House of Cards seront à 50 € chez votre revendeur favori » ?
Origin Premier : L’abonnement à EA est désormais scindé en 2. Le Basic à 4 euros par mois propose un accès de 10 heures aux derniers hits sortis et 95 jeux en accès illimité. Le Premier, à 15 euros mensuels, est en tout illimité sur 103 jeux, derniers hits inclus (FIFA 19, Battlefield V etc.). Paradoxalement, l’offre la moins chère est la plus séduisante, car on se retrouve avec un bon fond de catalogue pour le prix d’un café croissant dont on se désabonnera dès qu’on en aura fait le tour. Mais là encore, ces mêmes jeux peuvent être achetés d’occasion pour une bouchée de pain.
GeForce Now : Nvidia a abandonné l’idée de Cloud Gaming, le GeForce Now encore en bêta-test est davantage du cloud computing. Un abonnement ressemblant au Shadow (qui doit d’ailleurs se choper une belle suée en ce moment même) pour s’assurer d’avoir à distance beaucoup de puissance matérielle. Il faut donc tout de même acheter ses jeux. On l’exclut de l’équation.
Blacknut et Utomik : On note une appétence pour l’abonnement, quelques services se mettent en place. Utomik propose pour 7 euros par mois (9 € pour 4 utilisateurs) plus de 800 jeux PC. Pour 15 euros par mois, Blacknut préfère une solution cloud gaming et computing, puisque les jeux peuvent être lancés sur n’importe quel support (tablettes et Smartphone compris). Mais pour le moment, nous restons sur des solutions émergentes au catalogue peu alléchant.
On vous épargne les solutions d’Orange, SFR et compagnie, car nous préférons rester sérieux et, contrairement aux FAI, ne pas vous prendre pour des pigeons et des imbéciles. Maintenant que nous avons survolé quelques offres, passons à l’analyse.
Offre globale, collection, etc.
Premier constat : le marché manque d’une offre mûre et globale. Reprenons l’analogie avec Netflix. Le rapport abonnement/qualité est largement profitable à la mensualisation, surtout qu’il est possible, pour un seul abonné, de partager avec plusieurs personnes. Certes l’offre s’étend avec Amazon Prime, OCS, Disney, Fox, ce qui nécessairement nous privera de bons programmes, mais nous ne sommes pas sur des catalogues creux ou trop éparpillés comme c’est le cas dans le jeu vidéo.
Autre écueil, certes moins rédhibitoire ; jamais notre admiration pour certaines séries ne nous ferait craquer pour une édition Blu-ray. Un masque de Dali, ou un buste de Matt Murdock, tout au plus ! En revanche, le jeu tourne autour du culte du héros dans lequel vous passez 30, 50 ou 80 heures. Pour encore beaucoup de joueurs, la collection à un sens. Même les PCiste sont fiers de leurs démat’ (dont les 2/5ième acquis en solde n’ont jamais été lancés). Les bibliothèques numériques, les accumulations de succès sont une histoire et des faits d’armes que beaucoup n’aimeraient pas voir noyés dans une masse de titres.
Les promotions sont aussi un piège ; on cible davantage ces besoins et avec les 130 € à 170 € que représente une année d’abonnement, on s’offre déjà une dizaine de jeux sans aucune contrainte de catalogue.
Ajoutez à tout cela l’argument du joueur monomaniaque « moi, vous savez, je joue surtout à FIFA, Call of Duty et un ou deux autres titres d’aventure », du comptable « quoi ! encore un abonnement, certainement pas, je sature», du pathologique « oui, mais moi j’ai la PS4, La One, la Switch en plus de mon PC, je choisis quoi ? » de l’auteur de Materiel.net « que chaque éditeur laisse le choix d’ajouter 3 ou 4 euros à leurs services en ligne pour accéder à de nombreux jeux de générations précédentes et je réfléchirai. En attendant, je joue solo sur console à une dizaine de jeux d’occasion par an, et je m’éclate sur PC en solo et en ligne en guettant les soldes ».
En somme, nous avons tous de bonnes raisons de contourner l’abonnement, les éditeurs et constructeurs le savent, et il n’est même pas certain qu’ils cherchent à résoudre la quadrature du cercle, certains auraient beaucoup trop d’argent à perdre. La cerise est en définitive bien peu appétissante.