Site de référence sur les jeux vidéo depuis de nombreuses années, Gamekult avait une grosse actualité ces derniers temps. Le site a en effet fait peau neuve et annoncé son partenariat avec… Materiel.net ! Nous avons en effet œuvré avec les équipes de GK pour concevoir quatre PC gamer pour la rédaction – qui serviront de machines de test notamment – mais aussi pour leurs lecteurs (en savoir plus).
De la nouvelle version du site à la place du PC dans le gaming en passant la relation lectorat/presse, Thomas Cusseau, rédacteur en chef de Gamekult, a répondu à nos questions.
Q : Gamekult dispose depuis quelques jours d’une nouvelle version du site. Pouvez-vous nous en dire plus ?
TC : Ce fut un long projet auquel nous avons commencé à réfléchir il y a assez longtemps. Nous avons cherché à satisfaire nos lecteurs tout comme la rédaction puisque notre outil de travail était plus que vieillissant. Avec l’avènement des plateformes comme Twitter, Twitch et autres YouTube, nous savions qu’il fallait changer. Nous avons donc essayé de répondre aux pratiques actuelles en greffant de nouvelles fonctionnalités pour les lecteurs. Que la lecture soit aussi agréable sur mobile que sur PC par exemple.
Côté éditorial, comme le veut la formule consacrée, nous faisons du « changement dans la continuité ». Il y a de nouvelles rubriques et contenus. Nous sommes trentenaires pour la plupart à la rédaction, nous visons des gens comme nous, des adultes qui choisissent attentivement leurs jeux et leur matériel, qui ne sautent pas sur n’importe quoi. C’est un peu une génération oubliée, dans la presse jeu vidéo, qu’il faut honorer. Je prends l’exemple des longs articles. C’est un format qui, à notre époque, ne semble plaire qu’à une minorité. Nous, nous souhaitons la servir, notamment dans nos contenus Premium, sur abonnement.
Q : Justement, les nouveaux « codes » du Web semblent très adaptés aux plus jeunes. Comment avez-vous arbitré entre la volonté de toucher votre public et les nouveaux us et coutumes ?
TC : Les adultes ne sont pas insensibles à ces nouveaux codes comme par exemple l’utilisation d’infographies. Nous avons aussi approfondi le système de sélection des tests en nous adressant aux hardcore gamers mais aussi aux fans de MMO, aux casuals, etc. tout en proposant toujours nos indispensables.
Mais nous n’avons rien révolutionné, si ce n’est nous-mêmes. Le site devait être à la hauteur du fond. On nous décrit souvent comme intransigeants et exigeants, il fallait l’être aussi sur la forme, c’est une question de crédibilité. Toute la maquette a été repensée pour le lecteur. C’est donc plus une nouvelle version en termes d’ergonomie que de technique.
Q : Revenons sur les nouveaux contenus qui vont faire suite à ce changement…
TC : C’est encore un peu frais mais il y aura également des chroniques sur les jeux mobiles, les indés mais aussi la technologie… L’ancien site était trop limitant. Nous traitons toujours des contenus populaires mais proposons aussi des articles plus costauds, qui demandent plus d’efforts de lecture. Or sans la nouvelle maquette, ces contenus n’étaient pas mis à l’honneur.
Je vais vous faire une confidence : la nouvelle maquette avait été pensée à la base pour le lancement de l’abonnement Premium mais finalement, ce dernier a abouti avant.
La Home de Gamekult
Q : Avec cet abonnement Premium, quel est votre modèle économique ?
TC : Il est basé sur 3 piliers. Le premier est la publicité mais nous nous sommes remis en question pour comprendre et répondre de manière responsable à l’utilisation des AdBlocks et au matraquage sur certains sites… Car il y a eu des abus, et le nier ou, pire, culpabiliser l’internaute ne sert à rien sinon à s’entêter dans cette erreur. L’abonnement est le deuxième pilier et cela représente une grosse partie de nos revenus. Enfin, il y a l’affiliation qui nous permet d’être rémunérés si un lecteur convaincu passe à l’achat et ce, quel que soit le vendeur. Ce qui fait que nous sommes totalement neutres sur ce point.
Q : Cet abonnement, c’est aussi une réponse à la crise perpétuelle de la presse ?
TC : Il y a deux crises à distinguer. La crise économique qui provient du fait que beaucoup ont les deux pieds sur la même branche : celle du gratuit financé par la publicité. De fait, s’il y a moins de publicités ou plus de bloqueurs, cela fait mal.
Et il y a une seconde crise dont on parle moins et elle est journalistique. Car, de par le modèle de la publicité, les rédactions sont dépendantes de l’audience, notamment celle individualisée par article. Et c’est pernicieux car certaines formes du journalisme ne doivent pas dépendre de cela. Financer un reportage de fond n’a rien à voir avec le relais d’un trailer de GTA. Les articles de fond ne peuvent être amortis par l’ancien modèle. Et les lecteurs ont envie d’un autre journalisme : alors, plutôt que créer du contenu correspondant à un modèle économique dominant, pourquoi ne pas à l’inverse chercher à créer un modèle économique qui corresponde au contenu que veulent vraiment les gens ?
L’offre Premium peut répondre à cela. Chez Gamekult, nous avons été au bout de ce que l’on accepte du modèle gratuit. Je prends par exemple l’article sur les conditions de travail dans le jeu vidéo : ce fut une longue enquête dont le coût est incompatible avec le modèle gratuit.
Attention, je ne le condamne pas mais il doit y avoir d’autres options. Nous, nous voulons financer nos articles de manière indépendante et je ne regarde d’ailleurs pas les audiences des contenus Premium.
Q : N’y a-t-il pas une responsabilité du lectorat, une incohérence entre la volonté du gratuit et l’exigence de qualité ?
TC : Le but n’est pas de mettre la larme à l’œil mais le lecteur peut et doit être acteur du changement. Il n’y aura pas de meilleure qualité dans la presse si les lecteurs ne le veulent pas.
On m’a longtemps posé la question de « pourquoi c’est payant ». Mais en voyant certains très bons articles ailleurs sur le net, je me demande à l’inverse pourquoi eux sont encore gratuits… D’ailleurs, si l’on regarde son explosion commerciale depuis l’après-Guerre, la presse magazine a été payante bien plus longtemps qu’elle n’a été gratuite. Et si ses articles n’étaient pas bons, le journal n’était pas acheté. Cette relation strictement marchande est selon moi plus saine.
Aujourd’hui, il y a de la pédagogie à faire car l’information a une valeur. On me dira que c’est le problème des journalistes. Or quand des sites ferment ou se mettent à faire des articles à clic, c’est le lecteur qui y perd. Et pour être rentable gratuitement, il en faudrait des millions de lecteurs !
Q : Gamekult a toujours eu une image de qualité et d’indépendance. Est-ce quelque chose que vous revendiquez ?
TC : Nous le sommes sans chercher à l’être. L’indépendance, c’est plutôt quelque chose qui se prouve, que les lecteurs doivent voir sans qu’on ait besoin de leur dire. Cependant, cela fait quinze ans que tous les fusils sont systématiquement braqués sur l’éthique des journalistes. Il serait temps de reparler de qualité plutôt que d’indépendance.
Car de quelle indépendance parle-t-on si c’est pour, derrière, pratiquer une course insensée à l’audience, et qu’on est à la merci des chiffres de la veille ou du buzz du moment ? Du référencement Google ? Ce qui est important, c’est d’informer honnêtement, de manière neutre vis-à-vis du potentiel à audience de tel ou tel sujet. Ma vision de l’indépendance c’est par exemple d’interdire aux rédacteurs de consulter les audiences. Car l’idée qu’un bon article est un article qui a fait de l’audience est une simplification dangereuse pour l’esprit.
La chance que l’on a chez Gamekult est que tout le monde tire dans le même sens, notre direction, la régie pub, la rédaction… Nous avons le même âge que vous, 17 ans, et nous ne sommes pas encore là pour rien !
La rédaction de Gamekult en pleine action !
Q : Merci pour la transition ^^ Nous avons le même âge donc et désormais, nous sommes associés au travers d’un beau partenariat autour des PC gamers. Comment cela s’est-il fait ?
TC : Nos lecteurs, comme nos rédacteurs sont très PC, en témoigne le podcast Quick Load auquel nous participons chaque mois. Nous avions une rubrique Matériel et il fallait écrire la suite de l’histoire et donc conseiller des machines. Vu la confiance que l’on nous accorde, cela nous a semblé pertinent. Il nous fallait donc un partenaire sérieux. Comme vous êtes n°1, c’était logique et cela montre aux lecteurs que l’on ne se moque pas d’eux.
Q : Vous avez choisi des noms de héros mythiques des jeux vidéo pour ces PC…
TC : C’est notre journaliste Baptiste, aka Stoon, qui les a choisis avec Cliint, son collègue sur le projet. Il fallait des noms autour des jeux vidéo, ce sont les PC officiels Gamekult, ils devaient donc avoir notre ADN. D’ailleurs, si je reprends l’exemple du PC Manny (référence à l’excellentissime Grim Fandango, NDLR), il y a même un journaliste chez nous qui a personnage Manny Cavalera, tatoué ! Il y a beaucoup de héros de jeux vidéo mais pour les « vieux » joueurs, c’est un clin d’œil. Tout cela n’est pas juste du business.
Q : Pour nous, cela fait surtout plaisir de voir que le PC est toujours à l’honneur. Face à la montée des jeux mobiles et des consoles, comment jugez-vous cette plateforme ?
TC : J’ai beaucoup entendu que le jeu PC était mort par le passé. On en rigole. Entre la VR, les jeux indépendants, la communauté… c’est une plateforme phare et évolutive. Elle est d’ailleurs régulièrement primée dans nos GK Awards.
Peut-être n’a-t-elle pas assez été traitée pendant quelques années et la population un peu oubliée. Ceci dit, il y a des titres comme Canard PC qui en parlent également très bien. Pour notre part, on s’adresse à ce que j’appellerai les mid-core gamers en comparaison avec les hardcore et casual gamers. Ils ont aussi besoin d’infos.
Q : Peut-on alors s’attendre à ce que le PC rebondisse après que les consoles aient parfois pris le dessus en termes de sorties ?
TC : Il ne va pas rebondir, il l’a déjà fait ! Après, les lignes entre PC et consoles sont plus floues qu’avant. Quand on a déjà eu une PS2, une PS3, une PS4, etc. il peut y avoir un phénomène de transfert vers le PC. Surtout qu’il y a de l’évolution avec la VR, Steam, les jeux indépendants…
Aujourd’hui, le PC se porte bien, il y a encore plein de choses à y faire. Il est « future proof » ! C’est une plateforme évolutive, aussi pérenne qu’une console avec les nouveaux composants et dotée d’un catalogue varié. Mais la console a toujours sa place.
Q : Comment voyez-vous le monde des jeux vidéo évoluer dans les prochaines années ?
TC : Tout va trop vite pour se projeter et annoncer des changements. La VR par exemple ; sera-t-elle oubliée dans deux ans ou dans tous les foyers ? Impossible à prévoir, il n’y a qu’à regarder 10 ans en arrière…
