Lorsqu’on évoque le jeu vidéo au cinéma, il nous vient des images de Christophe Lambert en crinière blanche (Mortal Kombat) ou Bob Hoskins une ventouse à la main (Super Mario Bros). Les deux médias n’ont pas souvent fait bon ménage, mais le grand écran a tiré les leçons du passé et les séries sont pleines de promesses.
Des débuts difficiles
Un petit chiffre valant mieux qu’un long discours, surtout sur un sujet si souvent traité, amusons-nous à faire un tableau des films tirés de jeux vidéo avec les notes d’IMDB ainsi que celle de l’avis du public d’Allociné (sur un barème de 10) et rendez-vous un peu plus bas pour l’analyse.
Que retenir avant tout de ces chiffres ?
Les producteurs de cinéma ont longtemps considéré qu’un achat de licence allait attirer les joueurs dans les salles obscures, peu importe le contenu du film. C’était l’occasion de passer commande à quelques metteurs en scène et acteurs de seconde zone, essayer de satisfaire un public avec quelques clins d’œil et optimiser la vente de popcorn et de boisson gazeuse. Pourquoi alors perdre du temps à respecter la licence ou donner ce travail à des équipes de passionnés ? Le jeu représentait une sous-culture que l’on pouvait nourrir à grand coup de n’importe quoi.
Puis il est devenu une industrie crédible, et pas seulement du côté du portefeuille. Au fil de la décennie 90, il a imposé une narration de plus en plus construite à des « consommateurs » de tous horizons. Il était donc temps de revoir ses préjugés à commencer par prendre un peu moins les joueurs pour des imbéciles.
Notre tableau n’a rien d’exhaustif, nous aurions pu ajouter Ratchet et Clanck, Need for speed, Prince of Persia etc., mais ça n’enrichissait pas le débat, et ne faisait que quelques notes moyennes en plus.
Un respect mutuel s’installe
Ce qui au départ n’était qu’une bête occasion de planter un décor connu autour d’un scénario quelconque s’est transformé au fil des ans en un travail un peu plus soigné sur la compréhension de l’univers d’un jeu. On ne peut pas reprocher, par exemple, à Max Payne de ne pas avoir saisi une certaine esthétique ni à Hitman ou Assassin’s Creed de totalement trahir l’esprit du jeu.
Certes, ce sont encore de mauvais films, mais la démarche est déjà plus saine. D’ailleurs, vous noterez sur notre tableau classé par dates de sortie que les notes ont une tendance à la hausse en s’approchant de 2020.
Dans la décennie qui nous précède, les films et séries ont au moins eu l’avantage de trouver leur public. Warcraft, de Duncan Jones, est à n’en pas douter l’œuvre d’un passionné qui a su proposer un film capable de satisfaire des amateurs de Blizzard et les nouveaux venus. WOW a ici servi de bible d’écriture pour développer un produit adapté aux codes du cinéma. En cela, il n’est pas si loin de Détective Pikachu qui n’a pas tenté de mettre sur grand écran l’histoire des Pokemon, mais a utilisé le lore pour élaborer un scénario original.
Même Sonic, pourtant très mal parti sur le plan visuel, a fini par convaincre le très jeune public. Ce n’est pas le film qu’attendaient les fans du hérisson bleu, mais ce n’est ni un nanar, ni une trahison du héros de Sega qui n’a d’ailleurs pas attendu le cinéma pour vendre ses… épines dans des jeux catastrophiques.
Jetez un œil à cette analyse pertinente sur ce qui est un excellent film évoquant le jeu vidéo. Et il fallait une vision d’auteur comme Cronenberg pour le faire avec autant de talent.
Côté série, nous sommes davantage sur un pari pour l’avenir.
Le format semble idéal puisqu’il laisse plus de temps pour installer des personnages et adapter des univers foisonnants. Parmi les titres déjà sortis, The Witcher n’est peut-être pas l’exemple le plus éloquent, car il est avant tout adapté du livre, mais il transpire tout de même l’inspiration de CD Projekt, et Netflix n’aurait pas accordé une adaptation si The Witcher 3 n’avait pas rencontré un tel succès.
En animation, le Castlevania est une bonne une surprise saignante à souhait, et annonce un meilleur traitement côté série que nous avons pu l’observer par le passé avec Mass Effect : Parangon Lost ou le Halo : Nightfall clairement pas à la hauteur de nos espérances. Si l’on résonne en termes de cible, on peut même reconnaitre aux Lapins crétins d’avoir réussi leur pari en proposant des animations très drôles pour les plus jeunes.
Qu’attendre d’une adaptation d’un jeu vidéo ?
Voilà peut-être la question épineuse, et la quadrature du cercle à résoudre pour les studios.
Il faut avant tout comprendre que la narration du jeu vidéo et du cinéma s’opposent totalement. Un film vous prend par la main et impose ses règles, il se doit de remplir chaque minute sinon le vide créé par une faiblesse scénaristique ou une mise en scène médiocre sont immédiatement sanctionnés : on décroche !
Le jeu vidéo n’est pas obligé d’avoir une narration continue, et ce même « vide » est l’espace laissé au joueur pour profiter du gameplay et se créer son propre récit (qui a parlé de mondes ouverts ?). À bien y réfléchir, ne pas sentir de liberté dans l’histoire d’un jeu est un constat d’échec, et s’il est plaisant de découvrir l’écriture ciselée d’un Life Is Strange, par exemple, vivre cette expérience à l’écran sans manette à la main n’aurait pas changé grand-chose.
De plus, il était déjà délicat de porter un livre au cinéma à cause des coupes nécessaires pour passer de l’écrit à l’image, mais ça devient compliqué d’adapter un jeu stricto sensu alors que chacun à son propre vécu issu de la façon dont il aura interagi avec l’univers qui l’entoure. Faire du jeu une base de travail pour développer sa propre histoire semble donc être le meilleur compromis pour apporter une licence sur grand écran.
Nous avons volontairement exclu Final Fantasy de notre analyse, car il ne se rapportait à aucun jeu si ce n’est par le titre. Le public de joueurs lui en a voulu et le film fut un échec retentissant. Le public n’était pas encore prêt.
Que nous réserve l’avenir en film et séries ?
Si le cinéma et les séries n’ont toujours pas accouché d’un chef d’œuvre, le soin apporté aux dernières adaptations a toute les raisons de donner confiance.
On ne prendra pas en exemple Uncharted qui après moult reports et changements de metteurs en scène envoie plutôt des signaux négatifs, en revanche, The Division sur Netflix avec Jake Gyllenhaal et Jessica Chastain dans les rôles-titres pourrait agréablement surprendre. On attend aussi beaucoup de la série Halo produite par Steven Spielberg pour Showtime avec Pablo Schreiber et Natascha McElhone. Netflix a saisi le filon à exploiter, et va nous proposer du Assassin’s Creed, Diablo, Overwatch, Cuphead, Magic : The Gathering, un Resident Evil qui devrait être un retour aux sources inspiré du septième épisode et même une série animée The Witcher : Nightmare of the Wolf actuellement en préparation. Une adaptation du jeu Myst est aussi attendue pour une autre plateforme, mais cette fois mêlant les expériences de jeu et de télévision comme le proposait Bandersnatch.
L’intérêt du public et des studios pique évidemment les développeurs au vif. Ainsi Cory Barlog, producteur de God Of War a fait un appel du pied sur Twitter pour que sa licence soit portée en série. Aujourd’hui de nombreux projets sont en cours d’adaptation : Metal Gear Solid, The Last Of Us, Call Of Duty, Super Mario Bros, ou un Monster Hunter porté à l’écran par Paul W.S Anderson à qui l’on doit déjà les Resident Evil. Comme quoi, nous ne sommes pas encore à l’abri de quelques nanars…