La bêta publique de GeForce Now, service de cloud gaming de NVIDIA, est terminée depuis le 4 février dernier. Place aux choses sérieuses avec le lancement officiel et les abonnements. Environ 300 jeux sont compatibles dès le lancement. Premières impressions : « peut mieux faire » !
Le cloud gaming devient une réalité. Et il attire de plus en plus d’acteurs ! GeForceNow se présente comme un concurrent direct de Google Stadia, de Microsoft xCloud et du Français Shadow. Ce service de cloud gaming fonctionne sur les ordinateurs Windows et macOS, les smartphones Android et NVIDIA Shield TV (et sera bientôt disponible sur les Chromebook).
Deux ans après le lancement de la bêta publique, les choses sérieuses commencent donc pour NVIDIA qui va scruter la courbe des abonnements sans engagement de durée et avec une période d’essai de 90 jours.
Certes, il y a une offre gratuite, mais le business model du fabricant de cartes graphiques repose sur l’offre payante. Si vous étiez abonné à la bêta publique, votre compte a été automatiquement converti en abonnement gratuit (Full HD à 60 images par seconde). Mais toutes les heures, vous serez déconnecté.
30 jeux Free-to-play
Ce n’est pas le cas avec l’offre payante (5,49 euros par mois). Outre la durée des sessions qui passe à six heures, l’abonnement Founders vous fait passer devant les autres joueurs dans les files d’attente et vous permet de bénéficier des fonctions RTX, notamment le Ray Tracing qu’on ne présente plus.
NVIDIA n’a pas tardé à préciser que ce tarif évoluera. 5,49€ par mois est donc un prix d’appel. Le fabricant attend de voir comment réagit le grand public (sans pour autant délaisser les gamers) et comment se positionne la concurrence qui ne cesse de se renforcer avec de nouveaux acteurs.
Concernant la satisfaction du grand public (pardon, de « l’expérience utilisateur » comme on dit dans le marketing…), NVIDIA a de solides arguments.
Premièrement, un riche catalogue avec plus de 300 titres, dont une trentaine de free-to-play préinstallés avec l’incontournable Fortnite (mais sans Epic Store, non supporté…), mais aussi Warframe, World of Tanks ou encore League of Legends.
Les autres sont payants (The Witcher 3, Wolfenstein Youngblood, Deliver Us the Moon, Destiny 2, Metro Exodus…). Il n’y a pas de licence dédiée à une plateforme comme Google Stadia, il faut donc disposer d’une licence d’exploitation achetée sur l’une des boutiques compatibles : Steam, Uplay ou Battle.net… ah non, finalement, Activision et Blizzard ont retirés leurs jeux du service.
Connexion de qualité
Autre atout en faveur du service de NVIDIA : la configuration matérielle. Certes, les différentes offres de cloud gaming reposent sur une configuration plus ou moins identique. Mais on peut utiliser GeForce Now avec n’importe quel ordinateur équipé d’une version récente de Windows (rappelons que le support de Windows 7 est aux oubliettes) ou de macOS. Il est compatible avec tout système qui se connecte à Internet, qui supporte les manettes de jeu Bluetooth et qui lit les vidéos au format H264 (et bientôt H265)
Évidemment, le constructeur recommande une vitesse de téléchargement de 50 Mb/s pour un streaming à 1080 p/ 60 images/seconde, sans aucun problème. Il est nécessaire de disposer d’une connexion Ethernet ou d’un routeur wifi capable de transmettre un signal de 5 GHz, pour des performances de streaming optimales.
Sur le papier, GeForceNow a de quoi séduire. Mais la réalité est-elle aussi séduisante ? Pour l’instant, nous déchantons. Nous l’avons testé dans deux configurations.
Dans le premier cas, nous avons profité de notre abonnement « fondateur » avec un laptop sans CG et une connexion fibrée (1 GBPS dans les 2 sens).
Concernant l’installation et l’utilisation du soft, nous avons constaté que le service est gourmand en ressources. Les NUC et petits portables vont galérer, alors qu’ils sont en partie la cible…
Moche ou fluide ?
Autre bémol, l’application est incapable de scanner toutes les bibliothèques de jeux. Nous devons préciser le nom du jeu et indiquer ensuite sur quelle plateforme nous l’avons (un casse-tête pour les têtes en l’air…). Et ensuite, le jeu peut ne pas se « lancer correctement » (essayé avec Dirt 3).
Côté réseau… c’est le drame : même avec notre connexion, il propose un stream en… 720p 30, voire 60 FPS ! Pour avoir mieux, la FAQ renvoie sur des modifications de paramètres de QoS obscurs et pas forcément accessibles sur les box ADSL en France. Ils conseillent aussi un routeur « certifié »… GeForce Now !
De quoi en dégouter plus d’un. Si on est encore motivé, la double authentification de certaines plateformes est tellement pénible, puisqu’elle se répète à chaque fois, peut finir de lasser.
À chaque lancement, nous constatons aussi une tentative d’installation d’éléments supplémentaires (type NET framework)… mais qui sont déjà présents. Enfin, vous devez choisir entre beauté et fluidité. La balance entre graphismes et fluidité est horrible. Soit c’est moche et ça tourne, soit c’est l’inverse ! Et même si l’on a accepté ces écueils, la latence constatée malgré un ping à 12 ms a enfoncé le clou de ce premier essai.
Passons maintenant à notre second cas de figure avec l’offre gratuite depuis un smartphone sous Android et une TV Android. L’expérience est bonne, mais nous n’avons pas testé de gros jeux (principalement Rocket League). L’interface n’est pas user friendly sur mobile et l’authentification des plateformes s’avère là encore pénible. Par contre, il y a peu de latence.
Désillusions et échecs
Le bilan est donc plus que mitigé. Et les déçus pourraient être aussi nombreux que ceux qui ont essayé Stadia. Lancé en novembre dernier, le service de Google a très vite fait le buzz avec ses… bugs : pack Founder Edition sans code d’invitation, peu de jeux, compatibilité limitée aux smartphones Pixel, fonctionnalités repoussées…
Bref, le cloud gaming est présenté comme une sérieuse alternative aux jeux sur PC et console. Mais attention aux désillusions. Qui se souvient encore de la OnLive présentée en mars 2009 par Steve Perlman, un ancien d’Apple qui avait, entre autres, développé QuickTime ? De grands noms de l’édition du jeu vidéo, dont Electronic Arts, Ubisoft, Warner Bros, Take-Two, Eidos et Atari, avaient pourtant signé un accord pour assurer le succès de ce projet…
Différentes raisons peuvent expliquer son échec. « Microsoft et Sony n’aimaient pas ce que nous faisions parce que nous rendions obsolètes les consoles de jeu », a déclaré Steve Perlman. Le contexte n’était pas le même. En dix ans, le cloud computing a gagné en performance et en maturité.
Mais le cas OnLive montre que même des poids lourds associés dans un projet peuvent connaitre des échecs.