Après une année sans doute compliquée pour les développeurs comme pour beaucoup de professionnels, 2021 a surtout été, pour l’instant, l’occasion de se plonger dans de plus ou moins bons jeux resmasterisés. Une opportunité pour nous de réfléchir à cette tendance, à ces différents aspects, mais surtout à ce qu’elle réserve pour l’avenir.
En préambule, un petit point sur la différence entre remake et remaster.
Le remake, comme son nom l’indique, refait le jeu par un changement de moteur et une nouvelle jouabilité. Final Fantasy VII Remake en est le meilleur exemple, car seuls l’univers et les grandes lignes du scénario sont maintenus, tout le reste change.
Le remaster se « contente » d’améliorer le rendu d’un jeu trop ancien, en lissant les textures et en retouchant quelques assets. Certains modifient aussi un peu le gameplay, c’est pourquoi la frontière entre remake et remaster est parfois un peu ténue.
Le oldies but goodies : pas trop cher !
Pour les très vieux jeux sur ordinosaures et consoles 8, 16 voire 32 bits, nul doute que l’émulation fait des ravages (hormis pour Nintendo, nous y revenons ensuite). On ne va pas de sitôt racheter un Sonic, un Populous ou un Earthworm Jim à 50 € alors que l’on peut les trouver sur le web et les lancer avec Retroarch.
Sur la période 90-2000, nous sommes sur un entre-deux. Une grande quantité de jeux se retrouvent sur GOG et beaucoup n’hésitent pas à les racheter dans leur jus à des prix dérisoires. Des bons vieux Doom, Heretic, Dark Forces, Magic Carpet (etc.) se trouvent à moins d’un euro pendant les soldes.
Puis commencent à se démarquer les jeux qui ont marqué leur époque et pour qui une montée en résolution et quelques menus retravaillés méritent la dépense d’une dizaine d’euros. C’est ici que commencent les remastered. On pense à des Monkey Island, Full Throttle, Baldur’s gate. Les plus patients attendent les soldes GOG, durant lesquelles ces jeux tombent souvent à moins de 5 €.
Le mémoriel ; c’était le bon temps !
Nous commençons donc à nous introduire dans le cercle de moins en moins restreint du remaster. On note déjà que celui-ci change de visage en fonction de son éditeur et de son millésime.
Pour les titres des années 90, outre avoir connu le succès, il faut en effet que les ayants droit soient retrouvés. Cette industrie était encore très immature et tracer les équipes est parfois aussi hasardeux que remettre la main sur les codes sources.
Ceux qui passent les mailles du filet vont trouver au sein de leur public de bons clients potentiels prêts à mettre un peu plus de 10 €. Le phénomène n’est pas récent, on pourrait déjà évoquer les remastered de Final Fantasy en HD, ou remonter bien plus loin et se rappeler de la sortie de Super Mario All Stars en 1993 sur Super NES, compilation des 4 premiers de la NES. Certes nous sommes ici plus proche du remake, mais ça marquait déjà une tendance au « le même en plus beau ». Plus récemment, nous avons chroniqué la trilogie Mass Effect revendue au prix fort. La refonte était la bienvenue, mais n’avait rien d’indispensable. Nous pensons aussi à Diablo 2 Resurrected, attendu en septembre. Mais nous pourrions aussi citer le désastre Warcraft 3 Reforged. Comme quoi, il y a des souvenirs qui devraient simplement le rester.
Le cas de Mass Effect peut faire sens puisqu’il ajoute de la cohérence entre les trois épisodes et que tous les DLC sont inclus. Mais on garde le prix en travers de la gorge lorsqu’on avait déjà acheté ces trois jeux.
L’opportuniste ; vous n’aviez pas vu mon jeu ?
Un jeu peut ne pas faire de bons chiffres lors de sa sortie initiale même s’il a connu un succès d’estime. À l’occasion d’un moteur retravaillé, d’une petite refonte graphique, d’une ergonomie retouchée, l’éditeur peut espérer tirer des profits à moindres frais.
Ainsi nous avons chroniqué cette année Nier Replicant, voguant sur le succès de l’épisode Automata pour s’offrir une remise une avant sur les stores. Kingdoms of Amalur Re-Reckoning avait tenté le même coup de poker mais avec un succès plus mitigé. Les exemples sont nombreux, et nul doute qu’il y en aura encore beaucoup d’autres.
La revente à l’identique : les Nintendo fans !
Nous sommes ici concentrés sur l’univers PC, car c’est la plateforme qui nous réunit avant tout, mais nous ne pouvions pas éviter un clin d’œil au Big N, seul capable de nous mettre un émulateur derrière ses jeux à peine retouchés et vendre le tout au prix fort à des dévots ravis de leur sort. Évidemment on nargue un peu et on ne s’étendra pas plus, mais nous ne pouvions pas rater cette petite pique de bonne guerre.
Les remasters ont été l’occasion de nous vendre plusieurs fois le même jeu, notamment sur console, on craint la généralisation de cette pratique avec des outils de développement plus puissants et rapides.
Au service d’un nouveau moteur
Nos tests de cette année sur les jeux remasterisés et le Diablo à venir nous ont donné l’envie de nous pencher sur ce sujet, mais l’article sur l’Unreal Engine 5 a aussi apporté de l’eau à notre moulin.
Avec une nouvelle mouture si facile à manipuler, une véritable révolution dixit les développeurs qui ont mis la main dessus, la faciliter à importer des modèles 3D sans même les modifier puis à apporter toute la lumière sur une scène façon Ray tracing. Avec, donc, tout ce temps gagné sur le développement et les capacités de travail données à des équipes plus réduites, les remasters risquent de devenir une source rapide de revenus.
Nous ne sommes même pas contre cette idée ; la perspective de revoir un Spec Ops : the line plus fin ou un Dead Space plus détaillé dans ses découpes façon bouchère nous ravit, mais à quel prix ? Allons-nous toujours devoir repayer plein pot des jeux que nous avions déjà fait. C’est évidemment une question rhétorique dont nous avons déjà la réponse. Quand nous allons voir le remake d’un film, on n’obtient pas une petite ristourne parce qu’on a vu le précédent. Peu de chance que l’industrie vidéoludique réagisse autrement, quand bien même un jeu coute 5 fois le prix d’une place.
Plutôt que le remastered, la créativité
On ne va donc pas prétendre ici que nous sommes contre l’idée du remaster alors que nous avons vanté les qualités de Mass Effect, Rome Total War ou Nier Replicant sur ce même site. Fondamentalement, les jeux étaient bons ; ils le restent. C’est aussi un moyen louable d’entretenir le patrimoine vidéoludique.
Seulement, nous préférons à cette retouche l’hommage que peut faire, par exemple, un DotEmu, lorsqu’ils adaptent Wonderboy, redonnent un souffle (et surtout une suite) à Streets Of Rage, remettent au gout du jouer le meilleur épisode des tortues Ninja ou donnent un nouvel angle à Metal Slug avec Tactic.
Le remaster a de beaux jours devant lui pour les raisons que nous avons détaillées, mais pas la peine d’en prendre ombrage pour autant. Comme pour les jeux originaux, il faut se montrer patient, attendre les soldes ou croiser les doigts pour qu’il sorte gratuitement sur l’Epic Game Store. Car Remake, Remaster ou création observent une même constante : rien n’oblige à les acheter !