Dans la famille « comment ont-ils pu en arriver là ? », et après CD Projekt, nous demandons Bethesda. Bonne pioche ! Alors que le prochain Doom se prépare et que Fallout 76 fait encore l’objet d’opérations de com’ à la limite du ridicule, revenons sur une société qui a grandement participé à l’expansion du RPG à l’occidentale. Mais ça, c’était avant le drame…
I’ll be « quater » back
Fondée en 1986 par Christopher Reaver, Bethesda s’illustre d’abord dans les jeux de sport. Gridiron (Football américain) et Wayne Gretzky Hockey occupent le terrain jusqu’au début des années 1990.
Le studio recrute alors un nouvel élément prometteur et ne compte pas le laisser sur le banc de touche puisqu’il s’agit du Terminator. « I ll be back » disait le robot dans les films de Cameron, promesse tenue puisque la licence sera exploitée dans 6 jeux en 6 ans. Parmi eux, nous ne cachons pas un souvenir ému de l’épisode Future Shock, sorti en 1995, sur lequel nous avions posé nos petits doigts pleins de lait et de pâte à tartiner. Produit par Todd Howard, l’une des figures du studio, il proposait pour la première fois une visée à la souris dans un jeu de tir à la première personne en full 3D. Cela nous posait à l’époque quelques soucis de motricité. Doom, Dark Forces et consorts étaient tellement plus simples à jouer avec les deux mains sur le clavier. Qui pouvait imaginer que Quake allait définitivement associer le FPS au mulot l’année suivante ?
Vieux parchemin, nouvelle licence
Future Shock en était un, de choc, mais un an auparavant Bethesda avait marqué les esprits grâce à un jeu qui, au départ, devait se dérouler dans une arène. Inspiré d’Ultima, de Wizardry 7 ou Darklands, le développeur montre déjà des ambitions démesurées et une grande capacité d’innovation. Il agrandit son terrain de jeu pour élaborer un monde ouvert où le joueur est libre d’avancer et de se perdre à sa guise. The Elder Scolls : Arena (1994) ne rencontre pas immédiatement le succès, mais le bouche-à-oreille aidant, il commence à se faire un public qui répondra plus vite présent lors de la sortie de Daggerfall, le deuxième volet.
Elder Scrolls est désormais une estampille séduisante pour les joueurs. Le développeur essaie d’en tirer profit en 1997 avec An Elder Scrolls Legend : Battlespire et en 1998 avec The Elder Scrolls Adventure : Redguard. Cette fois l’échec est au bout du chemin et les nombreux jeux de sports encore développés en interne n’y changent rien ; Bethesda Softworks est à la limite de la banqueroute. La précarité financière conduit à une restructuration. La société Zenimax Media fondée en 1999 par Christopher Reaver doit remettre le bateau à flot en exploitant les branches éditions et distribution.
La filiale Bethesda Games Studio créée pour l’occasion a encore le champ libre pour travailler sur Elder Scrolls III : Morrowind. A sa sortie en 2002, le jeu est un carton sur PC et se paie même le luxe de briller sur console, multipliant les sources de profit. Il installe d’autres éléments importants de la franchise : les extensions et l’accès aux modders. Bethesda est désormais sur des rails et les épisodes IV et V, Oblivion et Skyrim, ne viendront par contredire ce succès.
Des partenariats velus
En tant qu’éditeur, les partenariats signés par Bethesda touchent nos petits cœurs de gamer.
On pense notamment à Id Software avec lesquels il travaille depuis le premier Rage, et surtout le Doom de 2016 ainsi que l’épisode Eternal attendu au mois de novembre. Les excellents Wolfenstein (New Order, New Colossus) développés par MachineGames sont aussi dans le giron du géant américain. Et n’oublions pas le français Arkane Studio qui avec la licence Dishonored et Prey envoie de la french touch sous forme de baffe dans le groin avec en guise de signature un « regardez les gars comment on fait un bon FPS solo ». En somme, l’éditeur a de la ressource, et il va en falloir pour faire face à la période difficile qu’il traverse actuellement.
Fallout et ses retombées médiatiques
Bethesda sauve la licence Fallout lorsqu’Interplay met la clé sous la porte. Tout le travail effectué par Black Isle, le développeur du second épisode, est écarté d’un revers du bras. Le troisième volet sort en 2008, dépouillé des mécaniques RPG et de l’ambiance de ses ainés. Le début d’une grogne pour les fans de la première heure, mais ce jeu plus orienté action trouve son public au point que ce volet surpasse les ventes des deux précèdents cumulés (4.7 millions distribués).
Le Fallout : New Vegas développé par Obsidian, dont une partie de l’équipe vient de Black Isle, est un retour aux sources avec une écriture bien plus maitrisée et un univers cohérent. Sorti en 2010 son moteur vieillissant et sa montagne de bugs en tout genre ne l’empêchent pas de rencontrer le succès.
Sans surprise Fallout 4, remis aux bons soins des équipes de Bethesda, est un carton. Pas moins de 12 millions d’exemplaires seront distribués. Direction artistique soignée, crafting passionnant, le jeu pèche encore par son écriture. Faisant feu de tout bois, la licence débarque sur mobile. Bonne pioche, les revenus de Fallout Shelter dépassent les 100 millions de dollars en juin 2019. De quoi renflouer les caisses après un Fallout 76 désastreux dans le fond, la forme et toute la communication qui l’entoure. Le studio enchaine de plus les bévues avec un Wolfenstein Youngblood qui ne convainc pas et des boulettes comme la connexion obligatoire à leur service pour jouer aux vieux Doom sur Switch.
Bethesda Games Studios traverse donc une mauvaise passe et Todd Howard, le réalisateur et producteur de Fallout et The Elder Scrolls, n’est pas au plus haut dans l’estime des joueurs. Ce n’est pas leur première tempête et ils s’en remettront, mais ça ne se fera pas sans un peu de nuance et d’humilité…