RAM : les raisons des variations de prix

Le prix de la mémoire vive connaît parfois des soubresauts, variant du simple au double en quelques mois… ou vice-versa. Voici qui mérite quelques éclaircissements sur le fonctionnement de cette industrie.

De tous les composants qui forment un PC, la mémoire vive est assurément celui dont le prix est le plus volatil. En quelques mois en 2017, le prix d’un module DDR3 ou DDR4 a pu doubler voire tripler, jusqu’à atteindre un pic fin 2017/début 2018 : on n’était pas loin de 300 € pour un kit standard de 2×8 Go DDR4 !

Depuis, les cours ont longuement dégringolé, avant de se stabiliser l’été dernier, puis de repartir légèrement à la baisse. Un kit aux performances comparables est vendu autour de 100€ aujourd’hui.

Rien de très mystérieux là-dedans : ces variations parfois très accentuées sont régies par la fameuse loi de l’offre et de la demande. Sauf que l’équation s’est compliquée. « Voici dix à quinze ans, les wafers (plaques de silicium, ndlr) servaient principalement à fabriquer de la DRAM, précise Laurent Sirgy, directeur de Kingston France/Europe du Sud/Moyen Orient/Afrique. Maintenant, ces mêmes wafers sont utilisés pour la DRAM et aussi pour la mémoire flash NAND. D’autre part, la DRAM alimente désormais de nouveaux marchés, comme l’automobile connectée ou l’Internet des objets, qui n’existaient pas il y a dix ans. »

Une demande en dessous des attentes

La demande s’est diversifiée et les facteurs susceptibles d’influencer les prix s’en trouvent multipliés. Pour illustration, la chute des cours observée depuis près de deux ans serait causée par le déclin des ventes de PC (même si le PC gamer tire son épingle du jeu) et surtout celui des smartphones.

Un retournement que les industriels contribuant à la filière DRAM n’ont pas anticipé. S’en est suivie une surproduction qui n’a pas été absorbée. Le marché des serveurs pour les datacenters, gros consommateurs de mémoire vive, a également ralenti en début d’année après des années de forte croissance. Le tout dans un contexte de « guerre froide » commerciale entre la Chine et les Etats-Unis.

Signée Crucial, cette vidéo montre les principales étapes de fabrication d’une barrette DRAM, depuis la production des plaques de silicium jusqu’à l’assemblage final.

De plus en plus d’aléas sont donc susceptibles de compromettre les prévisions établies par cette industrie, indispensables pour planifier l’offre et éviter les pénuries ou les surproductions. « La demande hors du marché PC accueille des nouveautés tous les mois et l’on ne peut pas toujours augmenter la production pour faire face » enchérit Laurent Sirgy.

En effet, la fabrication des mémoires vives fait appel à une lourde machinerie dont le rythme ne change pas en un claquement de doigts : approvisionnement des stocks de wafers, découpage des puces DRAM, assemblage des puces et des circuits imprimés (PCB)…

Et les industriels qui sont partie prenante de la chaîne de production ne sont pas si nombreux. Certes, les fabricants de mémoire sont encore une dizaine – Crucial, Kingston, Corsair, G-Skill, Samsung… Mais on ne compte plus que trois grands fournisseurs de wafers, la matière première, représentant 95% du marché : les coréens Samsung et SK Hynix, suivis de l’américain Micron (qui détient Crucial) qui avait racheté le concurrent japonais Elpida en 2012.

Des fondeurs chinois en embuscade ?

« Le marché s’est consolidé, comme dans toutes les industries, confie Laurent Sirgy. Une phase nécessaire pour créer des économies d’échelle. » Mais ce resserrement peut être préjudiciable.

D’une part, si un seul de ces fournisseurs tousse, l’industrie entière peut s’enrhumer. Début 2018, un incident dans une usine taïwanaise de Micron avait par exemple provoqué des ruptures d’approvisionnement, et donc des tensions sur les prix.

D’autre part, les petits comités sont plus favorables aux concertations un peu louches. Aux Etats-Unis l’an dernier, Samsung, SK Hynix et Micron avaient été accusés de s’être entendus pour freiner leur production et favoriser la hausse des prix.

Le fondeur coréen SK Hynix a dévoilé fin octobre les premières puces DRAM à 16 Gbits. La production de masse débutera en 2020.

Dans cette industrie des semi-conducteurs, la donne pourrait changer avec l’arrivée de trois nouveaux producteurs composants mémoire, d’origine chinoise : Innotron Memory, YMTC et JHICC. « Mais il est encore trop tôt pour le dire, tempère Laurent Sirgy. On ignore leurs capacités de production. Qui plus est, ils pourraient uniquement s’adresser au marché intérieur chinois, déjà énorme. On y verra plus clair dans deux ou trois ans. La problématique est identique de toute façon : il faut un certain délai pour adapter la production. »

Parmi les autres facteurs capables de déséquilibrer le jeu de l’offre et de la demande, l’évolution technologique est bien entendu en bonne place et ce sans même faire mention des barrettes avec dissipateur ou intégrant du RGB. Ainsi le fondeur SK Hynix a-t-il annoncé fin octobre le développement des premières puces DRAM DDR4 avec une densité de 16 Gbits. De quoi envisager des barrettes de 32 Go à partir de l’an prochain, le temps que la production de masse débute. Une nouveauté qui pourrait tirer les prix vers le haut, à condition qu’elle trouve sa clientèle.

Voir toutes nos barrettes de mémoire PC